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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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explosaient de
la mer au-dessus de l’antre et les vagues se brisaient interminablement pour
marquer son hideuse bouche invisible. Aucun pêcheur n’approchait du maelström,
car toute embarcation qui se laissait entraîner dans son horreur bouillonnante
était immanquablement perdue. Elle coulait et son équipage englouti allait
renforcer l’armée des ombres dans les Enfers.
    Quand
j’arrivai sur l’île, le soleil brillait. Je portais Hywelbane, et c’est tout,
parce que nul bouclier et plastron fait de la main de l’homme ne pouvait me
protéger des esprits et des serpents de l’île. Pour toute provision, j’avais
emporté une gourde d’eau fraîche et une besace de galettes d’avoine tandis
qu’en guise de talismans, pour me protéger des démons de l’île, je portais la
broche de Ceinwyn et une branche d’ail épinglée à mon manteau vert.
    Je passai
devant la salle où l’on célébrait les banquets des morts. Au-delà, la route
était bordée de crânes, humains et animaux, faits pour rappeler aux étourdis
qu’ils approchaient du Royaume des Âmes Mortes. À ma gauche, la mer ; à ma
droite, un marais d’eau noire et saumâtre, où aucun oiseau ne chantait.
Au-delà, un long banc de galets dessinait une courbe depuis la côte pour
devenir la digue qui reliait l’île à la terre ferme. Aborder l’île par le banc
de galets obligeait à un détour de plusieurs lieues, si bien que la circulation
empruntait le plus souvent la route bordée de crânes qui débouchait sur un quai
de bois pourri où un bac faisait la jonction avec la grève. Quelques baraques
de garde en clayonnage se dressaient à proximité du quai. D’autres gardes
patrouillaient sur la rive de galets.
    Les gardes du
quai étaient des vieux ou d’anciens combattants blessés qui vivaient avec leur
famille dans les gourbis. Les hommes me regardèrent approcher puis me barrèrent
le passage avec leurs lances rouillées.
    « Je suis
le Seigneur Derfel, et je demande le passage. »
    Le commandant
de la garde, un petit homme vêtu d’un antique plastron de fer et d’un casque de
cuir moisi, s’inclina devant moi. « Je n’ai pas le pouvoir de t’empêcher
de passer, Seigneur Derfel, mais je ne saurais te laisser revenir. » Ses
hommes, médusés de voir quelqu’un se rendre dans l’île de son plein gré, me
regardaient bouche bée.
    « Alors
je passerai ! » Les lanciers s’écartèrent tandis que le commandant de
la garde leur ordonna de manœuvrer le petit bac. « Demande-t-on souvent à
emprunter ce passage ?
    — Quelquefois,
fit le commandant. D’aucuns sont fatigués de vivre ; d’autres croient
pourvoir régner sur une île de fous. Peu ont vécu assez longtemps pour me prier
de les laisser ressortir.
    — Les
as-tu laisser faire ?
    — Non »,
dit-il sèchement. Il jeta un œil aux rames que l’on sortait de l’une des
baraques, puis me regarda de travers. « Es-tu sûr, Seigneur ?
    — Certain. »
    Il était
curieux, sans oser m’interroger sur mes affaires. Il m’aida plutôt à descendre
les marches glissantes du quai et à monter dans l’embarcation noire de poix.
« Les rameurs te feront franchir la première porte, me dit-il en pointant
le doigt en direction de la digue qui se trouvait à l’extrémité de l’étroit
chenal. Après quoi tu arriveras à un deuxième mur, puis à un troisième, au bout
de la digue. Il n’y a pas de portes à ces murs, juste des marches. Il y a peu
de chances que tu rencontres des âmes mortes entre les murs, mais après ?
Les Dieux seuls le savent. Tu tiens vraiment à y aller ?
    — Tu n’en
as jamais eu la curiosité ?
    — Nous
sommes autorisés à transporter des vivres et des âmes mortes jusqu’au troisième
mur, et je n’ai aucune envie d’aller plus loin, expliqua-t-il sur un ton
sinistre. Je rejoindrai le pont des épées vers l’Au-Delà à mon heure,
Seigneur. » Il eut un mouvement de menton en direction de la digue.
« L’antre de Cruachan se trouve au-delà de l’île, Seigneur, et seuls les
déments et les désespérés cherchent la mort avant l’heure.
    — J’ai
mes raisons et je te reverrai dans ce monde des vivants.
    — Pas si
tu traverses l’eau, Seigneur. »
    Je regardai la
pente verte et blanche de l’île qui se profilait au-dessus des murs de la
digue. « J’ai été une fois dans la fosse de la mort, dis-je au commandant
de la garde, et j’en suis sorti en rampant comme je sortirai d’ici

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