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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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où.
    — Garde-toi
de croire tout ce que te raconte Sagramor, me reprocha Ailleann en épinglant la
petite broche à sa robe. J’ai assez de bijoux pour une reine, ajouta-t-elle en
m’entraînant dans la petite cour de sa maison romaine, mais je reste une
esclave.
    — Arthur
ne t’a pas libérée ? demandai-je, choqué.
    — Il
craint que je ne regagne l’Armorique. Ou l’Irlande, et que j’éloigne de lui les
jumeaux. » Elle haussa les épaules. « Les jours où les garçons seront
majeurs, Arthur m’accordera ma liberté et sais-tu ce que j’en ferai ? Je
resterai ici. » Elle me fit signe de m’asseoir sur un siège placé à
l’ombre d’une plante grimpante. « Tu as vieilli », me dit-elle en me
versant du vin couleur paille d’une flasque enveloppée d’osier.
« J’apprends que Lunette t’a quitté ? ajouta-t-elle en me tendant une
coupe en corne.
    — Nous
nous sommes quittés l’un l’autre, je crois.
    — On me
dit qu’elle est maintenant prêtresse d’Isis, fit Ailleann d’un ton moqueur.
J’apprends beaucoup de choses de Durnovarie et n’ose pas en croire la moitié.
    — Du
genre ?
    — Si tu
ne le sais pas, Derfel, alors mieux vaut te laisser dans l’ignorance. »
Elle sirota son vin et fit la grimace. « Arthur aussi. Il ne veut jamais
entendre les mauvaises nouvelles, juste les bonnes. Il croit même que les
jumeaux ont un bon fond. »
    D’entendre une
mère parler ainsi de ses fils me choquait. « J’en suis convaincu. »
    Elle me lança
un regard tout à la fois soutenu et amusé. « Les garçons ne sont pas
meilleurs qu’ils l’ont jamais été, Derfel, et ils n’ont jamais été bons. Ils en
veulent à leur père. Ils estiment qu’ils devraient être princes et se
conduisent donc en princes. Il n’est pas de mauvais coup en ville dont ils ne
soient les instigateurs ou qu’ils n’encouragent. Et si j’essaie de les tenir en
bride, ils me traitent de putain. » Elle émietta un bout de gâteau pour le
lancer aux moineaux. Un serviteur balayait la cour, de l’autre côté, mais
Ailleann lui ordonna de nous laisser, puis elle m’interrogea sur la guerre et
je tentai de dissimuler le pessimisme que m’inspirait l’immense armée de
Gorfyddyd. « Ne pouvez-vous emmener Amhar et Loholt avec vous ? me
demanda Ailleann au bout d’un moment. Ils feraient sans doute de bons soldats.
    — Je
doute que leur père les trouve assez âgés.
    — Si tant
est qu’il pense à eux. Il leur envoie de l’argent. Je préférerais qu’il n’en
fasse rien. » Elle tripotait sa broche. « En ville, les chrétiens
disent tous qu’Arthur est condamné.
    — Pas
encore, Dame. »
    Elle sourit.
« Ce n’est pas demain la veille, Derfel. Les gens sous-estiment Arthur.
Ils voient sa bonté, entendent sa gentillesse, prêtent l’oreille à ses paroles
de justice, et aucun d’eux, pas même toi, ne sait ce qui brûle en lui.
    — Et qui
est ?
    — L’ambition,
répondit-elle simplement avant de s’accorder une seconde de réflexion. Son âme,
reprit-elle, est un chariot tiré par deux chevaux : l’ambition et le
scrupule, mais c’est moi qui te le dis, Derfel, le cheval de l’ambition est
harnaché à droite et il triomphera toujours de l’autre. Et il est capable,
aussi, très capable. » Elle sourit tristement. « Il suffit de le
regarder, Derfel. Quand il paraîtra condamné, que tout sera au plus noir, il
t’étonnera. J’ai eu l’occasion de le voir. Il gagnera, mais c’est alors le
cheval du scrupule qui tirera sur ses rênes et Arthur commettra son erreur
habituelle, qui est de pardonner à ses ennemis.
    — Est-ce
un mal ?
    — La
question n’est pas de savoir si c’est bien ou mal, mais de savoir quel en est
le sens pratique. Nous autres, Irlandais, savons une chose qui passe toutes les
autres : un ennemi pardonné est un ennemi qu’il faudra combattre à
nouveau. Arthur confond morale et pouvoir, et il aggrave le mélange en croyant
que les gens sont intrinsèquement bons, même les pires d’entre eux, et c’est
pourquoi, n’oublie pas ce que je te dis, il n’aura jamais la paix. Il soupire
après la paix, il parle de paix mais parce que son âme est confiante il aura
toujours des ennemis. À moins que Guenièvre ne lui mette un peu de silex dans
l’âme. Et elle le peut. Sais-tu à qui elle me fait penser ?
    — Je ne
croyais pas que tu l’avais rencontrée...
    — Je n’ai
jamais rencontré non plus la

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