Le Roi de l'hiver
Lancelot devra se trouver une épouse
ailleurs. »
Je ne dis plus
un mot sur Ceinwyn. Nous nous en retournâmes comme nous étions venus et
atteignîmes Magnis la deuxième nuit où, exactement comme l’avait prédit
Galahad, Tewdric se fia aveuglément à la promesse de Gorfyddyd, tandis
qu’Arthur préféra croire Merlin. Gorfyddyd, je m’en aperçus alors, s’était
servi de nous pour séparer Tewdric et Arthur, et il me parut qu’il avait été
bien inspiré car, en écoutant les deux hommes se quereller dans les
appartements de Tewdric, il était évident que le roi du Gwent n’avait pas le
cœur à se battre. Laissant les deux hommes discuter, nous rejoignîmes les
remparts de Magnis formés d’un gros mur de terre flanqué d’un fossé inondé et
d’une robuste palissade. « Tewdric va obtenir gain de cause, me dit
Galahad d’une voix lugubre. Il ne fait pas confiance à Arthur, tu comprends.
— Bien
sûr que si ! » protestai-je.
Galahad hocha
la tête. « Arthur est un homme loyal, il le sait, admit-il, mais Arthur
est aussi un aventurier. Il est sans terre, y as-tu jamais songé ? Il
défend une réputation, non un domaine. Il tient son rang à cause de l’âge de
Mordred, non du fait de sa naissance. Pour réussir, Arthur doit se montrer plus
hardi que d’autres, mais Tewdric ne veut point de hardiesse à l’heure qu’il
est. Il aspire à la sécurité. Il acceptera l’offre de Gorfyddyd. » Il
garda le silence un instant. « Peut-être notre destin est-il d’être des
guerriers errants, reprit-il morose, privés de terre, et sans cesse refoulés
vers la mer d’Ouest par nos ennemis. »
Frissonnant,
je resserrai mon manteau. La nuit se couvrait de nuages, et le gel était
promesse de pluie par le vent d’ouest. « Tu es en train de dire que
Tewdric va nous laisser tomber ?
— C’est
déjà fait, fit-il d’un ton abrupt. Son seul problème est maintenant de se
débarrasser d’Arthur avec élégance. Tewdric a beaucoup trop à perdre et il ne
prendra plus de risques, mais Arthur n’a rien à perdre que ses espoirs.
— Vous
deux ! » appela une voix derrière nous. Nous retournant, nous vîmes
Culhwch accourant sur les remparts. « Arthur vous demande.
— Pourquoi ?
demanda Galahad.
— À ton
avis, Seigneur Prince ? Il manque de partenaires à la
planche ? » Culhwch grimaça. « Ces salauds n’ont pas le cran de
se battre – il fit un geste en direction du fort, où se pressaient les
hommes de Tewdric en grand uniforme –, mais nous, si. J’ai dans l’idée
que nous allons attaquer tout seuls. » Voyant notre surprise, il rit.
« Vous avez entendu Seigneur Agricola, l’autre nuit. Deux cents hommes
peuvent tenir Lugg Vale contre une armée. Eh bien ? Nous avons deux cents
lanciers et Gorfyddyd possède une armée, alors qu’avons-nous besoin de
Gwent ? Il est temps de nourrir les corbeaux ! »
Les premières
gouttes de pluie tombèrent, sifflant dans les feux de forge. Il semblait que
nous allions en guerre.
*
Je me dis
parfois que ce fut la décision la plus courageuse d’Arthur. Dieu sait qu’il a
pris des décisions dans des circonstances tout aussi désespérées, mais jamais Arthur
ne fut plus faible qu’en cette nuit pluvieuse à Magnis, où Tewdric donnait
patiemment ordre aux hommes de se replier vers les murs romains en prévision
d’une trêve entre Gwent et l’ennemi.
Arthur réunit
cinq d’entre nous dans une maison de soldat, près de ces murs. La pluie
crépitait sur le toit tandis que, sous le chaume, un feu de bois fumait pour
nous éclairer d’une lueur blafarde. Sagramor, le plus fidèle lieutenant
d’Arthur, s’assit sur la banquette à côté de Morfans. Culhwch, Galahad et moi étions
accroupis par terre. Arthur prit la parole.
Le prince
Meurig, reconnut Arthur, avait proféré une vérité désagréable, car la guerre
était en effet de sa faute. S’il n’avait pas repoussé Ceinwyn avec mépris, il
n’y aurait point d’inimitié entre le Powys et la Dumnonie. Gwent se trouvait
impliqué du fait qu’il était l’ennemi le plus ancien du Powys et l’ami
traditionnel de la Dumnonie, mais il n’était pas dans son intérêt de poursuivre
la guerre. « Si je n’étais pas venu en Bretagne, expliqua Arthur, le roi
Tewdric n’envisagerait pas le viol de sa terre. C’est ma guerre et, de même que
je l’ai commencée, je dois la terminer ! » Il s’interrompit. C’était
un homme
Weitere Kostenlose Bücher