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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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sales gosses épiant leurs aînés. Le roi Tewdric
était là, et avec lui quelques rois et princes vassaux qui, le lendemain,
siégeraient au Grand Conseil. Ces grands avaient des sièges aux premiers rangs,
mais la masse des torches brûlait non pas autour d’eux, mais auprès des prêtres
chrétiens rassemblés à leur table. C’est la première fois de ma vie que je
voyais ces créatures et leurs rites.
    « Qu’est-ce
au juste qu’un évêque ? demandai-je à Nimue.
    — C’est
comme un druide », dit-elle, et de fait, comme les druides, tous les
prêtres chrétiens avaient le devant du crâne rasé. « Sauf qu’ils n’ont
aucune formation, ajouta Nimue sur le ton de la dérision, et qu’ils ne savent
rien.
    — Sont-ils
tous des évêques ? demandai-je en observant la théorie d’hommes rasés qui
allaient et venaient, se baissaient et se relevaient tout aussi brusquement
autour de la table illuminée, à l’extrémité de la salle.
    — Non.
Certains ne sont que de simples prêtres. Ils sont encore plus ignares que les
évêques, observa-t-elle en pouffant.
    — Il n’y
a pas de prêtresses ?
    — Dans
leur religion, dit-elle avec mépris, les femmes doivent obéir aux
hommes. » Elle cracha contre ce mal et certains guerriers tout proches lui
lancèrent un regard de désapprobation. Nimue feignit de ne pas les voir. Elle
était enveloppée dans son manteau noir, serrant dans ses bras ses genoux
pressés contre sa poitrine. Morgane nous avait interdit d’assister aux
cérémonies chrétiennes, mais Nimue ne respectait plus ses ordres. Ses yeux
brillaient dans la pénombre où disparaissait son visage décharné.
    Les étranges
prêtres chantèrent et psalmodièrent en grec des choses qui n’avaient aucun sens
pour nous. Ils ne cessaient de baisser la tête, sur quoi toute la foule se
baissait puis peinait à se relever ; et, du côté droit de l’église, chaque
plongeon était marqué par le cliquetis des fourreaux qui heurtaient le sol dans
le plus grand désordre. Les prêtres, comme les druides, ouvraient grands les
bras lorsqu’ils priaient. Ils portaient d’étranges robes qui ressemblaient
vaguement à la toge de Tewdric et étaient recouvertes d’une tunique décorée.
Ils chantaient et la foule leur répondait. Quelques femmes qui se tenaient
derrière la fragile reine Enid au visage pâle se mirent à pousser des cris
perçants et à trembler, extatiques, mais les prêtres demeurèrent insensibles à
ce brouhaha et continuèrent à psalmodier et à chanter. Sur la table se trouvait
une croix toute simple devant laquelle ils se courbaient et devant laquelle
Nimue fit le signe du mal en marmonnant une formule de protection. Nous eûmes
tôt fait de nous lasser, et je voulais aller m’assurer que nous étions bien
placés pour obtenir quelques miettes du grand banquet qui serait donné après la
cérémonie dans la demeure d’Uther, mais le langage de la nuit fit alors place
au parler breton : un jeune prêtre haranguait la foule.
    Ce jeune
prêtre, c’était Sansum : c’est cette nuit-là que je vis le saint pour la
première fois. Il était très jeune à cette époque, beaucoup plus jeune que les
évêques, mais il était considéré comme un homme d’avenir, l’espoir du
christianisme, et les évêques lui avaient délibérément cédé l’honneur de
prononcer ce sermon, histoire de servir sa carrière.
    Sansum fut
toujours un homme maigre, de petite taille, avec un menton pointu et rasé de
près et un front fuyant au-dessus duquel sa chevelure tonsurée s’élevait raide
et noire comme une haie d’épineux, bien que cette haie fût taillée plus court
au sommet que sur les bords, laissant ainsi deux toupets raides et noirs juste
au-dessus des oreilles. « Il ressemble à Lughtigern », chuchota Nimue
à mon intention, et je m’esclaffai bruyamment parce que Lughtigern est le
Seigneur des Souris dans les contes enfantins : un animal vantard et
hâbleur qui détale sitôt que paraît le chat. Mais ce Seigneur des Souris
tonsuré pouvait certainement prêcher. Avant cette nuit-là, jamais je n’avais
entendu le saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, et quand je songe au
peu de cas que j’ai fait de ce premier sermon, j’en ai parfois le frisson, mais
jamais je n’oublierai avec quelle fougue il le prononça. Sansum se tenait à une
seconde table, en sorte qu’il pouvait voir et être vu, et parfois, dans la
passion de son prêche, il serait

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