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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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par les Dieux, les
chrétiens eux-mêmes le reconnaissaient, et personne n’osa porter la main sur
Nimue.
    À bout de
souffle, elle s’affala sur la pierre. Elle était muette : un petit corps
blotti sous une cape noire, une chose informe frémissant à mes pieds.
    « Oh,
petit ! appela-t-elle enfin d’une voix lasse. Oh, mon petit.
    — Qu’y
a-t-il ? » demandai-je, plus tenté, je l’avoue, par l’odeur de porc
rôti qui venait des cuisines d’Uther que par la transe qui avait laissé Nimue à
bout de force.
    Elle me tendit
sa main gauche balafrée, et je la remis sur pied. « Nous avons une chance,
dit-elle de sa voix fluette et effarouchée, juste une chance, et si nous
perdons les Dieux nous délaisseront. Ils nous abandonneront à la merci des
brutes. Et ces sots, le Seigneur des Souris et ses fidèles, gâcheront cette
chance à moins que nous ne les combattions. Et ils sont si nombreux alors que
nous sommes si peu. » Elle me regardait droit dans les yeux, sanglotant
désespérément.
    Je ne savais
que dire. Bien que je fusse un pupille de Merlin, un enfant de Bel, je n’avais
aucune accointance avec le monde spirituel : « Bel nous aidera,
n’est-ce pas ? demandai-je, impuissant. Il nous aime, n’est-ce pas ?
    — Il nous
aime ! cria-t-elle en arrachant sa main de la mienne. Il nous aime !
répéta-t-elle avec mépris. La tâche des Dieux n’est pas de nous aimer. Tu aimes
les porcs de Druidan ? Au nom de Bel, pourquoi diable un Dieu nous
aimerait-il ? Que sais-tu de l’amour, toi Derfel, fils de Saxon ?
    — Je sais
que je t’aime. Je puis rougir maintenant, quand je vois un jeune homme qui quête
désespérément l’affection d’une femme. » Pour faire cette déclaration, il
m’avait fallu mobiliser toute mon énergie, tout le courage que j’espérais
posséder, et quand j’eus lâché ces mots, je piquai un fard à la lueur des
flammes balayées par la pluie. J’aurais mieux fait de me taire.
    « Je
sais, dit Nimue dans un sourire, je sais. Viens maintenant. Pour notre souper,
un banquet. »
    Aujourd’hui
que je passe mes derniers jours à écrire dans ce monastère des collines du
Powys, il m’arrive de fermer les yeux et de voir Nimue. Non pas telle qu’elle
est devenue, mais telle qu’elle était en ce temps-là : si fougueuse, si
prompte, si confiante. J’ai gagné le Christ, je le sais, et à travers sa
bénédiction, j’ai gagné le monde entier aussi, mais ce que j’ai perdu, ce que
nous avons tous perdu, on n’en finira jamais d’en dresser l’inventaire. Nous
avons tout perdu.
    Le banquet fut
merveilleux.
     
    *
     
    Le Grand
Conseil commença en milieu de matinée, après que les chrétiens eurent organisé
une autre cérémonie. Ils en avaient un nombre extravagant, me disais-je, car
chaque heure de la journée paraissait exiger quelque nouvelle génuflexion
devant la Croix, mais le sursis était une manière de laisser aux princes et aux
guerriers le temps de se remettre de leur nuit de libations, de vantardises et
de bagarres. Le Grand Conseil se tint dans la halle de nouveau éclairée par des
torches, car malgré la lumière éclatante de ce soleil printanier, les rares
fenêtres étaient hautes et étroites, moins faites pour laisser entrer la lumière
que pour laisser sortir la fumée  – et encore !
    Uther, le
Grand Roi, prit place sur une estrade dressée sous le dais réservé aux rois,
aux princes héritiers et aux princes. Tewdric du Gwent, l’hôte du Conseil,
siégeait au-dessous d’Uther, et de part et d’autre de son trône s’alignaient
une douzaine d’autres trônes en ce jour occupés par des vassaux, rois ou
princes, qui rendaient hommage à Uther ou à Tewdric. Le prince Cadwy d’Isca
était là, ainsi que le roi Melwas des Belges et le prince Gereint, le Seigneur
des Pierres, tandis que le lointain et sauvage royaume de Kernow, à la pointe
occidentale de la Bretagne, avait dépêché son Edling, le prince Tristan, qui,
enveloppé d’une fourrure de loup, siégeait à la limite du dais, à côté de deux
trônes vacants.
    En vérité, les
trônes n’étaient que des chaises qu’on était allé chercher dans la salle de
banquet et que l’on avait harnachées de tapis de selle, et devant chaque siège
et à terre, adossés au dais, reposaient les écussons des royaumes. Il fut un
temps où il n’y en avait pas moins de trente-trois, mais maintenant les tribus
de Bretagne se combattaient et les lames des

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