Le Roi de l'hiver
rapides de Gundleus obligés de contourner les rives du lac
marécageuses et couvertes de roseau. Il leur faudrait presque pousser jusqu’à
la Voie romaine qui passait à l’est du Tor, avant de pouvoir tourner à la
pointe est du lac et de galoper en direction de la demeure d’Ermid. D’ici là,
nous serions partis vers le sud. Loin devant moi, j’aperçus d’autres canots sur
le lac et je me dis que ce devaient être des pêcheurs d’Ynys Wydryn qui s’en
allaient mettre en lieu sûr les fugitifs du Tor.
Je confiai à
Nimue mon projet de pousser jusque chez Ermid puis de continuer vers le sud
jusqu’à la tombée de la nuit, à moins que nous ne rencontrions des amis.
« Bien », fit-elle d’une voix morne, quoique je ne fusse pas sûr
qu’elle eût compris un traître mot de ce que j’avais dit. « Brave Derfel,
reprit-elle, maintenant je sais pourquoi les Dieux m’ont donné confiance en
toi.
— Tu peux
compter sur moi, dis-je, amer, en enfonçant ma lance dans la vase pour faire avancer
le canot, tu le peux, parce que je suis amoureux de toi. Voilà ce qui fait ton
pouvoir sur moi.
— Bien »,
reprit-elle, et elle ne desserra plus les lèvres jusqu’à ce que notre canot de
roseaux accostât au débarcadère ombragé du village d’Ermid. M’enfonçant plus
avant dans la crique, j’aperçus les autres fugitifs du Tor. Morgane était là
avec Sebile, et Ralla pleurait, serrant son bébé dans ses bras, à côté de
Gwlyddyn, son mari. Lunete, la petite Irlandaise, était là, et elle courut en
criant vers l’eau pour aider Nimue. Je fis part à Morgane de la mort d’Hywel,
et elle me raconta qu’elle avait vu Gwendoline, la femme de Merlin, se faire
tailler en pièces par un Silurien. Gudovan était sauf, mais nul ne savait ce
qu’il était advenu du malheureux Pellinore ou de Druidan. Aucun des gardes de
Norwenna n’avait survécu, bien qu’une poignée de soldats dépenaillés de Druidan
eussent atteint le village d’Ermid, en même temps que trois servantes éplorées
de Norwenna et une douzaine d’enfants trouvés apeurés de Merlin. Mais il était
douteux que nous fussions vraiment en sécurité.
« Il nous
faut partir au plus tôt, dis-je à Morgane. Ils traquent Nimue. »
Les servantes
d’Ermid s’employaient à bander et à habiller la malheureuse.
« Ce
n’est pas Nimue qu’ils cherchent, pauvre imbécile, rétorqua sèchement Morgane,
c’est Mordred.
— Mordred
est mort », protestai-je, mais Morgane se retourna et s’empara du bébé que
Ralla tenait dans ses bras. Elle retira le linge brun grossier qui recouvrait
le corps de l’enfant et je vis le pied bot.
« Crois-tu,
petit sot, que je laisserais tuer notre Roi ? » Je dévisageai Ralla
et Gwlyddyn, me demandant comment ils avaient pu comploter de laisser leur fils
mourir. Ce fut Gwlyddyn qui répondit à mon regard muet. « Il est roi, expliqua-t-il
simplement, le doigt pointé sur Mordred, tandis que notre garçon n’était qu’un
fils de charpentier.
— Et
Gundleus, reprit Morgane d’une voix irritée, ne va pas tarder à s’apercevoir
que le bébé qu’il a tué a ses deux pieds en parfait état, et il lancera tous
ses hommes à nos trousses. Nous allons dans le sud. »
Le repaire
d’Ermid n’était pas sûr. Le chef et ses guerriers étaient allés à la guerre, ne
laissant derrière eux qu’une poignée de servantes et d’enfants.
Nous partîmes
un peu avant midi, plongeant dans les bois verts au sud des terres d’Ermid.
L’un des chasseurs d’Ermid nous guida à travers d’étroits sentiers et des
passages secrets. Nous étions trente, pour l’essentiel des femmes et des
enfants, avec juste une demi-douzaine d’hommes capables de porter des armes, et
Gwlyddyn était le seul à avoir jamais tué un homme au combat. Les rares idiots
de Druidan qui avaient survécu ne seraient d’aucune utilité, et je ne m’étais
jamais battu pour de bon. C’est pourtant moi qui fermais la marche, l’épée nue d’Hywel
glissée à ma ceinture de corde et serrant dans ma main droite la lourde lance
de guerre silurienne.
Nous avançâmes
lentement à l’ombre des chênes et des noisetiers. Du village d’Ermid à Caer
Cadarn, il n’y avait pas plus de quatre heures de marche, mais il nous fallut
beaucoup plus longtemps : ralentis par les enfants, nous prenions des
voies de traverse, secrètes. Morgane n’avait pas dit qu’elle essaierait
d’atteindre Caer Cadarn ;
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