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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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sanguinolent de l’autre, et soudain je me souvins du cri de Tanaburs
avant de partir : ma mère vivait encore. Je frissonnai en songeant que le
vieux druide avait dû me lancer un mauvais sort quand j’avais menacé de lui ôter
la vie et, bien que ma bonne fortune conjurât le mauvais sort, je sentais sa
malveillance m’encercler comme un ennemi tapi dans l’obscurité. J’effleurai la
cicatrice de ma main gauche et priai Bel d’effacer la malédiction de Tanaburs.
    « Derfel !
Licat ! Celle-là ! » hurla Owain. Et, en bon soldat, j’obéis aux
ordres. Je laissai tomber mon bouclier, lançai un tison par la porte, puis je
me pliai en deux pour pénétrer par la minuscule entrée. A ma vue, des enfants
hurlèrent et un homme à demi nu bondit sur moi avec un couteau m’obligeant à
faire une embardée. En dardant ma lance sur son père, je tombai sur une enfant.
La lame passa à côté des côtes de l’homme et il m’aurait tranché la gorge avec
son couteau si Licat ne l’avait tué. L’homme se plia en deux en se tenant le
ventre, puis il suffoqua alors que Licat libérait sa lance et tirait son
poignard pour commencer à occire les enfants hurlant. Je sortis à croupetons,
ma tête de lance ensanglantée, pour dire à Owain qu’il n’y avait qu’un seul
homme à l’intérieur.
    « Viens !
hurla Owain. Démétie ! Démétie ! » Tel était notre cri de guerre
cette nuit-là : le nom du royaume irlandais d’Œngus Mac Airem à l’ouest de
la Silurie. Les cabanes étaient toutes vides désormais et nous commençâmes
alors à traquer les mineurs dans les trous noirs du village. Des fugitifs
couraient dans tous les sens, mais quelques hommes s’attardèrent pour essayer
de nous combattre. Un groupe de valeureux se mit tant bien que mal en ligne de
bataille et nous attaqua avec des lances, des pics et des haches, mais les
hommes d’Owain essuyèrent la charge improvisée avec une redoutable efficacité,
laissant leurs boucliers noirs amortir le choc avant de tailler leurs
assaillants en pièces à coups de lance et d’épée. Je fus de ces hommes
efficaces. Dieu me pardonne, mais j’ai tué mon deuxième homme cette nuit-là, et
peut-être même un troisième. J’enfonçai ma lance dans la gorge du premier et
dans l’aine du second. Je ne me servis point de mon épée, car je ne pensais pas
que la lame d’Hywel fît un bon instrument pour le dessein de cette nuit.
    L’affaire fut
vite terminée. Soudain, il ne resta plus dans le village que des morts, des
mourants, et une poignée d’hommes, de femmes et d’enfants qui essayaient de se
cacher. Nous tuâmes tous ceux que nous trouvâmes. Nous abattîmes également
leurs animaux et brûlâmes les charrettes qui leur servaient à remonter le
charbon des vallées, nous enfonçâmes les toits de tourbe de leurs huttes et
piétinâmes leurs potagers avant de mettre à sac le village en quête d’un trésor.
Quelques flèches fusèrent de l’horizon, mais sans toucher aucun d’entre nous.
    Dans la hutte
du chef, on découvrit un bac de pièces romaines, des lingots d’or et des barres
d’argent. C’était la plus grande des cabanes, d’environ sept mètres de
large : à l’intérieur, à la lumière de nos torches, on vit le chef étalé
de tout son long, le visage jaunâtre, la bedaine fendue. L’une de ses femmes et
deux de ses enfants gisaient morts dans son sang. Un troisième, une fillette,
se cachait sous une fourrure imbibée de sang et je crus voir sa main se crisper
lorsqu’un de nos hommes trébucha sur son corps, mais je fis comme si elle était
morte et l’abandonnai à son sort. Une autre enfant hurla dans la nuit quand on
découvrit sa cachette : une épée la fit taire.
    Dieu me
pardonne, Dieu et ses anges me pardonnent, mais je n’ai jamais confié le péché
de cette nuit qu’à une seule personne, et elle n’était pas prêtre : elle
n’avait pas le pouvoir de me donner l’absolution du Christ. Au purgatoire, ou
peut-être en enfer, je rencontrerai ces enfants morts, je le sais. Leurs pères
et mères recevront mon âme pour en faire leur jouet, et j’aurai bien mérité mon
châtiment.
    Mais avais-je
le choix ? J’étais jeune, je voulais vivre ; j’avais prêté serment,
je suivais mon chef. Je n’ai tué aucun homme qui ne m’attaquait pas, mais que
pèse cette excuse au regard de ces péchés ? Aux yeux de mes compagnons, ce
n’était pas du tout un péché : ils se bornaient à tuer

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