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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Comme celle-ci, fit Cadwy, extrayant de sa bourse un lingot
d’or de la taille d’une poignée d’épée qu’il fit glisser sur la table.
    — Tant
que ça ? »
    Owain lui-même
avait l’air surpris.
    « C’est
un endroit riche, la lande, expliqua Cadwy d’un ton sévère. Très riche. »
    Owain plongea
son regard dans la vallée de Cadwy, où le reflet de la lune, sur la rivière
lointaine, semblait aussi plat et argenté qu’une lame d’épée.
    « Combien
y a-t-il de mineurs là-bas ? demanda-t-il enfin au prince.
    — Le
peuplement le plus proche compte entre soixante-dix et quatre-vingts hommes. Et
quantité d’esclaves et de femmes, bien entendu.
    — Combien
de cantonnements ?
    — Trois,
mais les deux autres sont loin. Il n’y en a qu’un qui me préoccupe.
    — Nous ne
sommes que vingt, objecta prudemment Owain.
    — De
nuit ? suggéra Cadwy. Et ils n’ont jamais été attaqués, ils ne seront pas
sur leurs gardes. »
    Owain sirotait
son vin dans sa corne.
    « Soixante-dix
pièces d’or, dit-il d’une voix monotone, pas cinquante. »
    Le prince
Cadwy réfléchit une seconde, puis opina du chef. Owain arborait un large sourire.
    « Pourquoi
pas, eh ? »
    Tripotant le
lingot, il se retourna vers moi, aussi vif qu’un serpent. Je demeurai
impassible, incapable de détacher mes yeux d’une fille qui enveloppait de son
corps nu l’un des guerriers tatoués de Cadwy.
    « Tu
dors, Derfel ? » aboya Owain.
    Je sursautai
comme sous l’effet de la surprise. « Seigneur ? » fis-je en
feignant d’avoir eu quelques minutes d’absence.
    « Brave
garçon, fit Owain, satisfait que je n’eusse rien entendu. Tu veux l’une de ces
filles ?
    — Non,
Seigneur », répondis-je en piquant un fard.
    Owain
s’esclaffa. « Il vient juste de se trouver une jolie petite Irlandaise,
dit-il à Cadwy, alors il lui reste fidèle. Mais il apprendra. Quand tu iras
dans l’Autre Monde, fiston, reprit-il en se tournant vers moi, tu ne regretteras
pas les hommes que tu n’as jamais tués, mais tu regretteras les femmes que tu
as laissées passer. » Il s’exprimait d’une voix douce. Dans les premiers
jours à son service, il me faisait peur, mais je ne sais pour quelle raison
Owain m’aimait bien et me traitait convenablement. Puis il se retourna vers
Cadwy. « Demain, soir, murmura-t-il, demain soir. »
    J’avais quitté
le Tor de Merlin pour la bande d’Owain, et c’était comme quitter ce monde pour
l’Au-Delà. Je fixai la lune et songeai aux hommes chevelus de Gundleus
massacrant les gardes du Tor, puis je pensai aux hommes de la lande qui, dès la
nuit prochaine, se trouveraient confrontés à la même sauvagerie, et je compris
que, même si je savais qu’il fallait l’empêcher, je ne pourrais rien faire pour
l’éviter. Le destin, aimait à nous répéter Merlin, est inexorable. La vie est
une farce des Dieux, se plaisait à affirmer Merlin, et il n’est point de
justice. Apprends à rire, me dit-il un jour, sans quoi tu mourras de chagrin.
     
    *
     
    Nos boucliers
avaient été enduits de poix de bateau pour les faire ressembler aux boucliers
noirs des pillards irlandais d’Œngus Mac Airem, dont les longs canots à la
proue pointue mettaient à sac la côte nord de la Dumnonie. Un guide local aux
joues tatouées nous conduisit tout l’après-midi à travers les vallées
encaissées et luxuriantes qui grimpaient lentement vers la grande silhouette
estompée et blafarde de la lande, que l’on entrevoyait parfois par une trouée à
travers les gros arbres. C’était un beau pays boisé, plein de cerfs et sillonné
de cours d’eau rapides et glacés ruisselant vers la mer depuis le haut plateau
de la lande.
    Nous arrivâmes
à la lisière de la lande à la tombée de la nuit ; quand il fit nuit noire,
nous suivîmes un sentier de chèvres qui menait jusqu’au sommet. C’était un
endroit mystérieux. Les Anciens avaient vécu ici et laissé dans ses vallées
leurs cercles de Pierres sacrées, tandis que les pics étaient couronnés d’amas
de rochers gris et les parties basses de redoutables marais à travers lesquels
notre guide nous conduisit sans la moindre hésitation.
    Owain nous
avait dit que les gens de la lande se rebellaient contre le roi Mordred et que
leur religion leur avait appris à craindre les hommes portant des boucliers noirs.
C’étaient des boniments, que j’aurais pu croire si je n’avais surpris sa
conversation de la veille avec le

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