Le Roman d'Alexandre le Grand
solution…
— Laquelle ?
— Mettre le feu à cette botte
de foin. Si des rats y sont cachés, ils finiront bien par sortir, tu ne crois
pas ? »
Barsine se mordit la lèvre, mais
elle ne prononça pas un mot. Elle se contenta de baisser les yeux pour éviter
de croiser le regard de ses ennemis.
Philotas secoua la tête d’un air
agacé. « Laissons tomber. Il n’y a rien d’intéressant ici », dit-il
avant de sortir, accompagné de ses hommes. Bientôt, le galop de leurs chevaux
s’évanouit au lointain, suivi par l’aboiement des chiens. Mais quand ils eurent
parcouru trois stades, Philotas freina son cheval.
« Malédiction ! Je parie
qu’il a quitté sa cachette souterraine et qu’il est en train de deviser
tranquillement avec son épouse. Une belle femme… belle femme, par Zeus !
— Je n’ai pas compris pourquoi
nous ne l’avons pas… commença un de ses hommes, un Thrace de Salmydessos.
— Parce que ça n’est pas pour
toi, et que si Alexandre l’apprenait, il te couperait les couilles et les
jetterait à son chien. Défoule-toi sur les putains du camp, si tu ne peux pas
te retenir. Et maintenant, partons. Nous battons la campagne depuis trop
longtemps. »
Au même moment, de l’autre côté de
la vallée, on transportait Memnon vers un autre refuge, sur une civière
attachée aux bâts de deux ânes.
Avant de franchir le passage menant
à la vallée de l’Aisepos à la ville d’Azira, Memnon demanda au muletier de
s’arrêter. Il se retourna pour contempler les lumières de sa demeure. Ses
vêtements étaient encore imprégnés du parfum de Barsine qui l’avait étreint une
dernière fois.
10
L’armée s’ébranla avec ses chars et son ravitaillement, prenant la
direction du mont Ida et du golfe d’Atramyttion, dans le Sud. La capitale de la
satrapie de Phrygie ayant été occupée par une garnison macédonienne, il était
en effet inutile de s’attarder dans le Nord.
Parménion était de nouveau chargé du
commandement en second de l’armée, tandis qu’Alexandre élaborait les décisions
stratégiques.
« Nous longerons la côte,
annonça-t-il un soir pendant le conseil de guerre. La capitale de la Phrygie
est tombée entre nos mains, attaquons-nous maintenant à celle de la Lydie.
— Sardes, précisa Callisthène.
La capitale mythique de Midas et de Crésus.
— Cela me paraît n’être qu’un
rêve, intervint Léonnatos. Vous rappelez-vous les histoires que nous racontait
le vieux Léonidas ? Nous allons donc voir tous ces endroits !
— Oui, confirma Callisthène.
Nous verrons l’Hermos, sur les rives duquel Crésus fut battu par les Perses il
y a presque deux cents ans. Et nous verrons aussi le Pactole avec ses sables
aurifères, qui ont donné naissance à la légende de Midas. Et les tombes où
reposent les rois de Lydie.
— Crois-tu que nous trouverons
de l’argent dans ces villes ? demanda Eumène.
— Tu ne penses qu’à l’argent !
s’exclama Séleucos. Et d’ailleurs tu as raison.
— Bien sûr que j’ai raison.
Savez-vous ce que nous coûte la flotte de nos alliés grecs ? Le
savez-vous ?
— Non, monsieur le secrétaire
général, répondit Lysimaque. Tu es là pour ça.
— Elle nous coûte cent soixante
talents par jour. Je dis bien cent soixante. Le butin que nous avons pris sur
le Granique et à Dascyléion comblera les besoins pour une quinzaine de jours,
si tout va bien.
— Écoutez, dit Alexandre. Nous
allons fondre sur Sardes, et je pense que nous ne rencontrerons pas beaucoup de
résistance. Puis nous occuperons le reste de la côte jusqu’aux frontières de la
Lycie, jusqu’au fleuve Xanthe. Nous aurons libéré toutes les villes grecques
d’Asie avant la fin de l’été.
— Magnifique, approuva Ptolémée.
Et ensuite ?
— Nous n’allons tout de même
pas rentrer chez nous ! s’écria Héphestion. Je commence tout juste à
m’amuser.
— Rien ne dit que notre
entreprise sera facile, répliqua Alexandre. Jusqu’à présent, nous n’avons fait
qu’égratigner les Perses, et Memnon est certainement en vie. Et puis, nous
ignorons si toutes les villes grecques nous ouvriront leurs portes. »
Ils marchèrent plusieurs jours au
milieu de promontoires, de criques d’une incroyable beauté, de plages ombragées
par de gigantesques pins. Des îles de dimensions variées suivaient la ligne
côtière, pareilles à un cortège. Ils atteignirent enfin les rives de l’Hermos,
un fleuve
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