Le Roman d'Alexandre le Grand
second tour de garde. Il devait
être minuit. Alexandre sursauta en percevant un bruit de pas. Il se frotta les
yeux. C’était Eumène.
Le secrétaire général s’assit à ses
côtés. Il se mit à scruter le feu.
« Que regardes-tu ? lui
demanda le souverain.
— Le feu, répondit Eumène. Il
ne me dit rien de bon. »
Le roi se tourna vers lui avec un
regard surpris. « Et pourquoi donc ?
— Il est en train de tourner
avec le vent, qui souffle à présent de la mer.
— Comme chaque nuit, à cette
heure, si je ne me trompe.
— Oui, mais cette nuit, c’est
différent. »
Une pensée traversa l’esprit
d’Alexandre, et un cri d’alarme sur la droite la confirma : un incendie
venait de se déclarer à la base de la grande tour de bois.
« Un autre là ! »,
hurla Eumène en pointant le doigt vers une maison qui se dressait à une
centaine de pieds.
La voix de Perdiccas leur parvint
sur la gauche : « Alarme, Alarme ! Le feu ! »
Lysimaque se précipita vers eux.
« Ils veulent nous faire rôtir ! s’écria-t-il, le souffle court. Ils
incendient toutes les maisons qui bordent la brèche et le rempart de briques.
La tour de bois brûle comme une torche, regarde ! »
Alexandre bondit. Memnon jouait sa
dernière carte en profitant du vent. « Vite ! Nous devons les
empêcher d’allumer ; d’autres foyers. Envoyez les attaquants, les
« écuyers », les Thraces et les Agrianes ! Tuez tous les hommes
que vous surprendrez une torche à la main ! »
Ses compagnons accouraient. Il y
avait aussi Séleucos, Philotas, Léonnatos et Ptolémée.
« Écoutez-moi ! s’écria
Alexandre pour couvrir le rugissement des flammes qui augmentait avec le vent.
Toi, Séleucos et toi, Léonnatos, prenez la moitié des pézétairoï, traversez le
quartier en feu et alignez-vous de l’autre côté : il faut que nous parions
à une éventuelle contre-attaque. À l’évidence, les Perses veulent reprendre le
contrôle de la brèche.
« Ptolémée et Philotas, alignez
le reste des troupes derrière la brèche pour occuper toutes les portes. Je ne
veux pas avoir de surprises dans mon dos. Lysimaque, fais reculer les balistes
et les catapultes, sinon elles seront détruites par l’effondrement de la
tour ! Allez, maintenant ! »
La tour de bois était à présent
dévorée par les flammes qui léchaient le secteur oriental de la brèche. Cette
gigantesque torche illuminait une vaste zone autour de la muraille, si bien que
les archers agrianes n’avaient aucun mal à distinguer les incendiaires et à les
transpercer de leurs flèches. Les poutres de la base furent vite calcinées et
l’énorme enchevêtrement s’effondra dans un vacarme épouvantable, libérant une
colonne de feu de plus de trois cents pieds, qui dépassait tous les édifices de
la ville.
La chaleur était telle qu’Alexandre
dut quitter son point d’observation, mais il prit place sur la tour suivante,
près de la poterne d’où il pouvait dominer la situation. Il envoyait des
estafettes dans les divers secteurs et recevait à tout instant des nouvelles
concernant l’évolution de la situation.
Il ordonna à Lysimaque d’utiliser
les catapultes pour abattre les maisons voisines des bâtiments en feu, afin de
circonscrire l’incendie. Les machines de guerre projetèrent de grosses pierres.
Aussitôt, le vacarme et le désordre redoublèrent dans cette nuit infernale.
Mais la réaction du roi fut couronnée
de succès. Le ratissage des hommes dépêchés par Alexandre mit un terme à
l’action des incendiaires, tandis que l’infanterie lourde, alignée des deux
côtés du quartier incendié, décourageait les tentatives des Perses et des
mercenaires de Memnon.
Eumène avait convoqué un grand
nombre de sapeurs et de pelleteurs, et leur avait ordonné de jeter du sable et
de la pierraille sur les foyers qui brûlaient encore. Les incendies furent
bientôt circonscrits et maîtrisés. La tour de bois qui avait coûté tant d’efforts
n’était plus qu’un tas de cendres et de braises d’où pointaient, ici et là, de
grosses poutres calcinées et fumantes.
Quand l’aube vint, le premier rayon
de soleil frappa le quadrige doré qui se dressait au sommet du Mausolée. Puis,
au fur et à mesure que le disque solaire surgissait au-dessus des montagnes, le
cône de lumière descendit sur la grande pyramide en escaliers, sur la frise
multicolore de Scopas et de Bryaxis, avant d’enflammer les
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