Le Roman d'Alexandre le Grand
certaine agressivité ou refusaient de les ravitailler. Après avoir passé ce
premier massif, les soldats redescendirent dans la vallée de l’Eurymédon, d’où
on pouvait remonter vers l’intérieur et vers le haut plateau.
Cette vallée, relativement étroite,
avait des flancs de roche rouge très escarpés, qui contrastaient avec le bleu
intense des eaux du fleuve. Des chaumes jaunes s’étendaient sur les deux rives
et sur les rares terrains plats qui bordaient la grève.
Ils marchèrent une journée entière.
Au crépuscule, ils atteignirent une piste étroite que contrôlaient deux
forteresses jumelles, dressées sur deux pitons rocheux. Une ville fortifiée se
profilait sur le coteau.
« Termessos », affirma
Ptolémée en se plaçant à côté d’Alexandre et en indiquant la citadelle qui
rougissait aux derniers rayons du soleil.
Perdiccas surgit de l’autre côté.
« Il sera difficile de prendre ce nid d’aigle, observa-t-il d’un air
inquiet. Quatre cents pieds au moins séparent le fond de la vallée du sommet de
la muraille. Même si nous empilions toutes nos tours d’assaut les unes sur les
autres, nous ne parviendrions jamais à atteindre cette hauteur. »
C’est alors que se présenta
Séleucos, accompagné de deux officiers de la cavalerie des hétairoï. « Je
suis d’avis de dresser le camp. Si nous poursuivons notre route, nous risquons
de nous mettre à portée de leurs lances, auxquelles nous sommes dans
l’incapacité de répondre.
— D’accord, Séleucos, approuva
le roi. Nous verrons demain, à la lumière du soleil, ce que nous pouvons faire.
Je suis sûr qu’il existe un passage quelque part. Il s’agit de le trouver,
c’est tout. »
À ce moment précis, une voix résonna
dans leur dos : « C’est ma ville. Une ville de mages et de devins.
Laissez-moi y aller. »
En se retournant le roi découvrit
Aristandre, l’homme qu’il avait surpris près de la source, non loin de la mer,
en train de déchiffrer une ancienne inscription illisible.
« Salut, devin, lui dit-il.
Approche-toi et explique-moi tes intentions.
— C’est ma ville, répéta
Aristandre. Une ville magique, érigée dans un lieu magique. Une ville où tout
le monde, même les enfants, sait interpréter les signes du ciel et lire dans
les entrailles des victimes. Laisse-moi y entrer avant d’ébranler ton armée.
— D’accord, vas-y. Rien ne sera
tenté avant ton retour. »
D’un signe de tête, Aristandre prit
congé du roi et s’engagea sur l’escarpement qui passait au pied des forteresses
jumelles. Alexandre suivit du regard son manteau blanc, qui perçait l’obscurité
en se déplaçant tel un fantôme solitaire le long des flancs escarpés du rocher
de Termessos.
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Aristandre se dressait devant lui comme un fantôme, et la lumière de la
lanterne – la seule à brûler sous la tente – donnait à son visage un aspect
encore plus déconcertant.
Alexandre se redressa brusquement,
comme si un scorpion l’avait piqué. « Quand es-tu arrivé ?
demanda-t-il. Et qui t’a fait entrer ?
— Je te l’ai dit, je connais de
nombreux enchantements et je peux me déplacer à ma guise dans la nuit. »
Alexandre se leva et jeta un coup
d’œil à son chien. L’animal dormait tranquillement, comme si la tente
n’abritait que son maître.
« Comment as-tu fait ?
interrogea-t-il encore une fois.
— Cela n’a aucune importance.
— Et qu’est-ce qui en a ?
— Ce que je m’apprête à te
dire. Mes concitoyens ont placé des sentinelles sur les rochers qui contrôlent
le défilé, et nulle part ailleurs. Ils se sont retirés entre les murs de
Termessos. Prends-les par surprise et fais passer ton armée. Il y a un sentier
sur le flanc gauche de la montagne qui mène aux portes de la ville. Demain, tes
trompettes sonneront le réveil. »
Alexandre sortit et vit que le camp
était plongé dans le silence : les soldats dormaient paisiblement et les
sentinelles se réchauffaient près de leurs bivouacs. Il se tourna vers
Aristandre. Le devin lui indiqua le ciel. « Regarde, un aigle survole la
muraille en dessinant de larges cercles. Cela signifie que la ville sera à ta
merci après cette attaque nocturne. Les aigles n’ont pas l’habitude de voler la
nuit, c’est certainement un signe des dieux. »
Alexandre ordonna qu’on réveille les
troupes discrètement puis il convoqua Lysimaque et le chef des Agrianes.
« Ce travail vous est destiné. Il
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