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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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finalement Alexandre, mais je les connais déjà en partie. Et
je me rappelle que lorsque Ulysse, désireux de reprendre en main son armée,
surprit un homme de troupe en train de crier, il le frappa avec le sceptre que
le roi Agamemnon lui avait remis, en lui disant :
    L’autorité multiple ne vaut rien. Un
seul homme doit être le chef, doit être le roi : celui à qui le fils de
Cronos aux pensées tortueuses a donné les sceptres et les lois pour régner sur
les hommes.
    « Ce sont les mots mêmes
d’Homère.
    — C’est vrai. Mais Homère parle
d’une époque très ancienne, où les rois étaient indispensables du fait de la
dureté des temps et des assauts incessants des barbares, du fait de la présence
de bêtes sauvages et de monstres dans une nature encore sauvage et primitive.
Je t’ai offert les poèmes d’Homère pour que tu grandisses dans le culte des
sentiments les plus nobles, de l’amitié, de la valeur, du respect de la parole
donnée. Mais l’homme d’aujourd’hui, Alexandre, est un animal politique. Cela ne
fait pas de doute. Le seul endroit où il puisse grandir est la polis, la cité,
telle que les Grecs l’ont conçue.
    « C’est la liberté qui permet à
chaque esprit de s’exprimer, de créer, d’engendrer la grandeur. Tu vois, dans
un État idéal, tout le monde saurait commander à la perfection dans sa
vieillesse après avoir su obéir à la perfection dans sa jeunesse.
    — C’est ce que je fais à
présent, et ce que je ferai à l’avenir.
    — Tu es seul, rétorqua
Aristote. Je te parle de plusieurs milliers de citoyens, qui vivent dans
l’égalité sous la tutelle de la loi et de la justice, laquelle couvre
d’honneurs ceux qui le méritent, règle les échanges et les commerces, punit et
corrige ceux qui ont commis des erreurs. Une telle communauté ne repose pas sur
des liens de sang, sur la famille ou la tribu, comme ici en Macédoine, mais sur
la loi devant laquelle tous les citoyens sont égaux. La loi remédie aux défauts
et aux imperfections des individus, limite les conflits et la compétition,
récompense la volonté d’agir et d’émerger, encourage les forts, soutient les
faibles. Dans une telle société, ce qui est honteux, ce n’est pas d’être humble
et pauvre, c’est de ne rien faire pour améliorer sa propre condition. »
    Alexandre réfléchit en silence.
    « Je vais te donner une preuve
concrète de ce que j’avance, reprit Aristote. Viens avec moi. »
    Il quitta la pièce par une porte
latérale, donnant sur l’extérieur, et gagna une petite fenêtre qui laissait
entrevoir l’atelier de fonderie.
    « Regarde, dit-il en indiquant
l’intérieur. Tu vois cet homme ? »
    Alexandre acquiesça. Il y avait dans
l’atelier un homme d’une quarantaine d’années, vêtu d’une courte tunique de
travail et d’un tablier de cuir ; à ses côtés se trouvaient deux
assistants, l’un d’environ vingt ans, l’autre de seize. Ils étaient tous trois
occupés à installer des outils, à disposer la grosse chaîne qui soutenait le
creuset, et à verser du charbon dans la forge.
    « Sais-tu qui est cet
homme ? demanda Aristote.
    — Je ne l’ai jamais vu.
    — C’est le plus grand artiste
qui existe aujourd’hui au monde. C’est Lysippe de Sicyone.
    — Le grand Lysippe… Un jour,
j’ai vu une de ses sculptures dans le sanctuaire d’Héra.
    — Sais-tu ce qu’il faisait
avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui ? Il était ouvrier. Il l’a été
pendant quinze ans dans une fonderie, où il percevait une paie de deux oboles
par jour. Et sais-tu comment il est devenu le divin Lysippe ? Grâce aux
institutions de la cité. La cité permet au talent de s’exprimer, et c’est grâce
au talent que chaque homme peut grandir à l’instar d’une plante
luxuriante. »
    Alexandre observa le nouvel invité,
qui semblait très vigoureux : il avait les épaules larges, les bras
musclés, les grandes mains noueuses de ceux qui ont travaillé durement et
longuement.
    « Quelle est la raison de sa
présence ici ?
    — Viens. Allons le trouver, il
te l’apprendra lui-même. »
    Ils pénétrèrent dans l’atelier par
la porte principale, et Alexandre salua Lysippe.
    « Je suis Alexandre, fils de
Philippe, roi des Macédoniens. Bienvenue à Miéza, Lysippe. Je suis honoré de
faire ta connaissance. Voici mon maître, Aristote, fils de Nicomaque, de
Stagire. D’une certaine façon, il est macédonien, lui

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