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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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réponses simples
à des problèmes complexes. » Alors il s’abstint.
    « Et là, voici le cœur, une
pompe qui évoque un peu celles qu’on utilise pour vider les sentines des
navires, même si elle est infiniment plus compliquée et plus efficace. C’est là
que résident, selon les Anciens, les sentiments et l’intellect. En effet, son
mouvement s’accélère quand l’homme est sous l’emprise de la colère, de l’amour,
ou simplement des plaisirs de la chair. En réalité, les battements s’intensifient
également si je monte un escalier, ce qui démontre bien que c’est le centre de
toutes les fonctions de la vie humaine.
    — Effectivement, admit
Alexandre en fixant avec perplexité les mains ensanglantées de son maître qui
fouillaient les viscères.
    — Selon une hypothèse
plausible, il est nécessaire que le sang circule plus rapidement quand
l’intensité de la vie s’accroît. Il existe deux systèmes de circulation :
celui qui part du cœur, et celui qui y revient. Comme tu peux le voir, ils sont
tous deux distincts. Nous sommes en cela très semblables aux animaux,
ajouta-t-il en posant son bistouri sur le plateau. Mais nous différons
nettement en une chose. »
    Il s’interrompit alors pour demander
à Théophraste le scalpel et le maillet, avant de découvrir, à l’aide de petits
gestes secs et habiles, la boîte crânienne de l’animal.
    « Le cerveau. Notre cerveau est
beaucoup plus grand que celui de tous les animaux. J’ai toujours pensé que ses
circonvolutions servaient à disperser la chaleur du corps engendrée par le
cœur, mais l’homme ne semble pas produire plus de chaleur que les animaux.
C’est donc un problème que je dois étudier. »
    Aristote en avait terminé. Il tendit
les instruments à Théophraste afin qu’ils soient nettoyés. Puis il se lava les
mains et invita Alexandre à lui remettre ses notes et ses croquis.
    « Excellent, commenta-t-il. Je
n’aurais pas mieux fait. Tu peux maintenant livrer cet animal au boucher. Je
raffole des saucisses et du boudin, mais j’ai hélas du mal à les digérer depuis
quelque temps. Donne l’ordre qu’on me rôtisse quelques côtelettes pour le
dîner, si cela ne te dérange pas. »
    Un autre jour, Alexandre trouva son
maître occupé à la même opération, mais cette fois-ci sur un œuf de poule qui
n’avait été couvé que pendant dix jours.
    « Ma vue n’est plus aussi bonne
qu’autrefois, je dois demander de l’aide à Théophraste. Sois bien attentif, car
c’est toi qui m’assisteras plus tard. »
    Théophraste maniait avec une
incroyable précision une lame très fine et très affilée qu’il tenait entre
pouce et index. Il avait ôté l’albumen et isolé le fœtus à l’intérieur du
jaune.
    « Il est possible de
reconnaître, après dix jours d’existence, le cœur et les poumons du poussin.
Les vois-tu ? Toi qui as de bons yeux, les vois-tu ? »
    Théophraste lui montra les petits
grumeaux de sang auxquels le maître faisait allusion.
    « Je les vois, affirma
Alexandre.
    — Voilà, c’est en vertu d’un
mécanisme semblable qu’une graine se transforme en plante. »
    Alexandre plongea son regard dans
les yeux gris et mobiles d’Aristote. « As-tu déjà fait cette expérience
sur un être humain ? questionna-t-il.
    — Plus d’une fois. J’ai
disséqué des fœtus de quelques semaines. Je versais de l’argent à une
sage-femme qui pratiquait l’avortement dans un bordel du côté du Céramique, à
Athènes. »
    Le jeune homme blêmit. « Il ne
faut pas craindre la nature, dit Aristote. Vois-tu, plus les êtres vivants sont
proches du moment de leur conception, plus ils se ressemblent entre eux.
    — Cela signifie-t-il que toutes
les formes de vie ont la même origine ?
    — Peut-être, mais pas
nécessairement. Le fait est, mon garçon, que la matière est abondante, la vie
brève et les moyens d’enquêter fort rares. Comprends-tu pourquoi il est
difficile de livrer des réponses ? L’humilité est de règle. Il faut étudier,
décrire, classer, avancer petit à petit, atteindre des niveaux de connaissance
de plus en plus élevés. C’est un peu comme si l’on gravissait une
échelle : un échelon après l’autre.
    — Bien sûr », confirma
Alexandre.
    Mais l’expression de son visage
trahissait une inquiétude qui contrastait avec ses mots, comme si son désir de
connaître le monde ne pouvait se concilier avec la patiente discipline que

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