Le Roman d'Alexandre le Grand
servir d’appât ?
Mieux vaut que j’y aille, car je suis plus dur à mastiquer que les
autres », répliqua le Noir.
Il fit sonner le rassemblement de
son escadron, auquel il ordonna d’avancer au pas. Alignés par rangs de quatre,
les hétairoï formaient une masse compacte et scintillante, marchant au rythme des
roulements de tambour dans la plaine. Plus le temps passait, plus ils
rapetissaient avec la distance. Mais l’estafette restait à portée de vue,
tandis que la cavalerie scythe, surprise par cette manœuvre, ne savait comment
réagir.
« Ils ne bougent pas, ils ne
mordent pas à l’appât…, dit Ptolémée en secouant la tête.
— Alors envoyons-leur un second
escadron, répliqua Alexandre. Vas-y, Perdiccas, et rapidement : plus vite
tu rejoindras le Noir, mieux ce sera. Et emmène-les aussi », ajouta-t-il
en montrant le contingent perse qui attendait les ordres au bord du campement.
Oxathrès approuva d’un signe de
tête, et dès que les trompettes sonnèrent, il s’unit avec ses cavaliers de la
steppe au détachement de Perdiccas.
Encore une fois, les Scythes
demeurèrent sans réaction. Puis, comme s’ils obéissaient à un signal, ils
firent volte-face et disparurent derrière les ondulations du terrain.
Alexandre donna l’ordre aux autres
forces de se ranger, en attendant le signal d’une estafette.
Le ciel s’était voilé d’une étrange
brume, à travers laquelle les rayons de soleil filtraient en jetant une lueur
diaphane et laiteuse, qui brouillait les distances et la profondeur.
« Regarde ! s’exclama
soudain Léonnatos. L’estafette ! Ils attaquent. »
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Alexandre rassembla le reste de la cavalerie, et confia les escadrons
et subdivisions d’auxiliaires à Ptolémée et aux autres compagnons ; puis
il s’élança à la tête du deuxième détachement d’Oxathrès, composé d’une
centaine de Scythes qui avaient longtemps appartenu à l’armée impériale en
qualité de mercenaires.
Voulant avancer le plus discrètement
possible, il demeura en contact avec les estafettes jusqu’à ce qu’elles lui
apprennent que l’ennemi avait engagé le combat contre les détachements de
Perdiccas et de Cleitos.
« Comment sont-ils
rangés ? demanda le roi.
— Ils n’ont pas adopté de
véritable formation : ils galopent autour de nos détachements en les
inondant de flèches. Jusqu’à présent, les nôtres se sont protégés derrière
leurs boucliers, mais cette défense ne peut durer.
— En effet, il est grand temps
d’en finir », répondit Alexandre. Il convoqua ses compagnons et leur
dit : « Nous allons avancer à une allure moyenne jusqu’à ce que nous
les apercevions. À ce moment-là, les trompettes donneront le signal :
Cleitos et Perdiccas briseront le cercle sur le devant, et s’ouvriront aussitôt
en éventail en effectuant une conversion vers nous. Nous prendrons, quant à
nous, les Scythes à revers en une manœuvre convergente. Ils n’auront pas
d’issue. Pas même sur les côtés demeurés ouverts. Ne faites pas de prisonniers,
s’ils refusent de se rendre. Et maintenant, à cheval ! »
Alexandre éperonna son bai de
Sammatie, et le porte-étendard le rejoignit aussitôt, son drapeau rouge à la
main. Le reste de l’armée lui emboîta le pas, se déployant en un vaste front
sur quatre rangs seulement.
Une fois en vue des Scythes, le roi
ordonna aux trompettes de sonner le signal convenu. Aussitôt Cleitos et
Perdiccas disposèrent leurs hommes en coin et chargèrent de front, rompant
l’encerclement et galopant en ligne droite jusqu’à ce que le dernier d’entre
eux se fût échappé du cercle ennemi. Puis ils se partagèrent en deux, et chaque
moitié de l’armée effectua une large conversion en éventail. Réunis alors en un
front unique et compact, ils rebroussèrent chemin en chargeant, lances basses.
C’est alors qu’Alexandre surgit de
l’autre côté, avec ses escadrons déjà lancés au pas de charge. Surpris et
totalement encerclés dans un espace réduit, les Scythes durent s’engager dans
de durs corps à corps. Furieux d’être tombés dans ce piège au beau milieu de
leur plaine océanique, comme des poissons dans un filet, ils tentèrent de
rompre l’encerclement. Mais le terrain plat et régulier permettait aux
Macédoniens de demeurer très compacts et de faire valoir la supériorité de leur
armement lourd.
Les Scythes se battirent avec un
acharnement féroce, subissant des
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