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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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dans cette tombe une partie de son
cœur et les jours les plus heureux de sa jeunesse perdue.
    Non loin du champ de bataille où il
avait vaincu Porus, il fonda une autre ville à laquelle il donna le nom
d’Alexandrie Nicée, commémorant ainsi sa victoire ; il y célébra des jeux
et offrit des sacrifices aux dieux. Après quoi, nous continuâmes notre route
vers l’est, encouragés par Porus, qui nous céda cinq mille de ses soldats. Nous
atteignîmes bientôt un autre affluent de l’Indus, un fleuve au courant rapide
et tourbillonnant, rempli de pierres contre lesquelles les eaux bouillonnaient.
Nombre de nos bateaux se brisèrent sur ces rochers et furent coulés avec les
hommes qu’ils transportaient. Puis nous trouvâmes un point où le fleuve était plus
large et plus calme, et nous réussîmes à le franchir. Nous conquîmes
soixante-dix villes, qui possédaient pour plus de la moitié d’entre elles cinq
mille habitants au moins, et nous nous arrêtâmes au pied de la muraille de
Sangala, sur les rives de l’Hydraote.
    J’ignore ce qu’il adviendra.
J’ignore si nous prendrons cette ville et traverserons ce fleuve. Et après le
fleuve, un désert, puis une forêt impénétrable, et d’autres royaumes peuplés de
guerriers par centaines de milliers. Nos efforts sont désormais insoutenables.
Dans les forêts rampent des serpents aux proportions épouvantables, de
véritables monstres : l’un d’eux, tué par Léonnatos d’un coup de hache,
mesurait seize coudées.
    Aristote soupira. Seize
coudées ! Il se leva et compta ses pas pour s’en faire une idée : la
pièce n’était pas assez longue et il dut en franchir le seuil. Il retourna
ensuite à sa place et reprit sa lecture.
    Les terres cultivées sont très
fertiles, mais la forêt semble les entourer de toutes parts, et d’une certaine
façon les envahir. Des singes de toutes dimensions y grouillent, ils ont la
curieuse habitude d’imiter les gestes et les attitudes d’autrui. Certains sont
impressionnants par l’expression de leur regard, qui paraît presque humaine,
comme tu pourras le constater toi-même.
    Suivait un dessin de ces singes que
Ptolémée avait à l’évidence commandé à un artiste, à en juger par la précision
du trait. Aristote fut profondément marqué par le regard de l’animal, qui
suscita en lui une sorte de malaise, une sensation inquiétante.
    Il y a aussi des arbres que les
Indiens appellent banyans qui atteignent une hauteur de soixante-dix coudées,
et sont si gros que cinquante hommes ne peuvent les embrasser. Un jour, j’ai vu
plus de cinq cents hommes se protéger du soleil à l’ombre d’un de ces géants.
    Dans ces contrées, il existe des
serpents en tout genre. Certains évoquent une verge de bronze, d’autres, de
couleur sombre, gonflent leur cou, pareil à une crête frappée de deux taches en
forme de cercle. Les victimes de leurs morsures meurent instantanément, ou
presque, dans des douleurs indicibles, couverts d’une sueur sanguinolente. Les
premières fois que nous les avons rencontrés, nous sommes restés éveillés toute
la nuit de peur d’être mordus dans notre sommeil, puis nous avons appris à
allumer des feux autour des campements. En outre, les indigènes nous ont
enseigné l’usage de certaines herbes comme antidote à leur venin.
    Quoi qu’il en soit, ces serpents
sont plus dangereux que les tigres qui fréquentent ces forêts impénétrables,
car une bonne épée ou un bon javelot suffit, dit-on, à les abattre. Les tigres
sont plus gros que les lions, ils possèdent une robe aux couleurs magnifiques,
striée de bandes ocre et noires. La nuit, leur rugissement fait vibrer l’air à
une incroyable distance. J’ai vu une peau de tigre, à défaut d’avoir pu voir
cet animal, voilà pourquoi je suis en mesure de le décrire.
    Je dois m’arrêter maintenant. Les
pluies torrentielles rendent l’écriture impossible. L’humidité pourrit tout,
les hommes tombent malades, d’autres sont happés par les crocodiles, qui
pullulent sur ces terres car les fleuves débordent de leurs lits et leurs eaux
inondent les campagnes sur des milliers de stades. J’ignore quand je
retrouverai l’espoir de vivre comme un homme et non comme un animal.
    Seul Alexandre semble épargné par la
fatigue, le découragement ou les peurs. Il avance à la tête de l’armée, se
fraye un chemin en tranchant avec son épée les plantes qui entravent sa route,
il secourt ceux qui tombent,

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