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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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semblait pétrifié, enfermé dans son monde impénétrable, prisonnier de ses
rêves et de ses cauchemars.
    Puis, au soir du troisième jour,
avant que le soleil se couche, alors qu’il était assis sous sa tente, il perçut
une présence soudaine. Il leva les yeux : devant lui se tenait le sage
indien, qui le fixait de ses yeux sombres. Il se rendit compte que personne ne
l’avait vu, que les gardes ne l’avaient pas arrêté et que Péritas non plus ne
s’apercevait pas de sa présence : il sommeillait dans un coin.
    L’homme ne dit rien. Il se contenta
d’indiquer le campement de la main, mais son geste dégageait une force
irrésistible. Le roi sortit. Avec stupéfaction, il découvrit ses soldats debout
devant la tente. Les yeux rouges, les cheveux longs et en désordre, les
vêtements déchirés, ils fixaient sur lui leur regard triste et angoissé, mais
ferme, dans l’attente d’une réponse. Alexandre les regarda et comprit enfin. Il
sentit toute leur souffrance peser sur lui et il parla. Il cria :
« On m’a dit que vous ne voulez plus avancer. Est-ce vrai ? »
    Personne ne répondit. Un murmure de
protestation parcourut les rangs.
    « Je sais que c’est faux. Je
sais que vous êtes les meilleurs soldats du monde et que vous ne vous
révolterez jamais contre votre roi ! Je voulais que nous poursuivions
notre chemin, mais j’ai également tenu à immoler des victimes aux dieux afin de
connaître leur volonté. Hélas, les auspices nous sont contraires. Et personne
ne peut défier la volonté des dieux. Donc, préparez-vous, hommes !
Préparez-vous, car il est temps à présent que vous profitiez de ce que vous
avez mérité et conquis. Nous rentrons. Nous rentrons chez nous ! »
    Il n’y eut ni ovations ni
acclamations, mais une profonde, une intense émotion. Nombre d’hommes
pleuraient en silence et leurs larmes coulaient lentement sur leurs barbes
hirsutes, sur leurs visages creusés par huit années de batailles, de veilles,
d’assauts, de froid et de chaleur, de neige et de pluie. Ils pleuraient car
leur roi ne s’était pas emporté contre eux, il les aimait encore, comme des
enfants, et il les ramenait chez eux. Un vétéran se détacha des rangs et avança
vers Alexandre. Il lui dit : « Merci, sire, d’avoir accepté d’être
vaincu par tes soldats, et par eux seulement. Merci… Nous voulons que tu saches
que, quoi qu’il arrive, quoi que le destin nous réserve, nous ne t’oublierons
jamais. »
    Alexandre l’embrassa, puis il
ordonna que tout le monde retourne aux tentes pour préparer le départ. Quand
les soldats se furent éloignés, il marcha, seul, jusqu’à la rive de l’Hyphase.
Les rayons du soleil couchant parvenaient ici et là à trouer les nuages, incendiant
le grand fleuve, teintant de rouge la lointaine silhouette du Paropamisos, ses
grands pics, pareils à des pilastres soutenant la voûte céleste. Alexandre
laissa son regard errer sur l’autre rive, sur la plaine infinie qui s’étendait
jusqu’à l’horizon, et il pleura comme il n’avait jamais pleuré au cours de son
existence. Jamais il ne verrait le courant majestueux du Gange, jamais il ne
marcherait sur le rivage des lacs dorés, parmi les paons iridescents de
Palimbothra. Les larmes coulèrent de son œil aussi bleu que le ciel, elles
coulèrent de son œil aussi noir que la nuit.
     

54
    Comme si le ciel approuvait la décision d’Alexandre, il plut pendant
plusieurs jours, ce qui offrit une trêve à ses soldats. Après quoi, le roi
partagea son armée en douze groupes, auxquels il donna l’ordre d’ériger douze
autels de pierre le long des rives de l’Hyphase, des autels gigantesques, aussi
hauts que des tours, en l’honneur des douze dieux de l’Olympe. Il fit ensuite
offrir un sacrifice en présence de toute l’armée rangée, et pria les dieux pour
qu’ils n’autorisent personne à les franchir. Le lendemain, l’armée s’ébranla en
direction de l’Indus. Elle rallia Sangala et les villes qu’Alexandre avait
récemment fondées : Alexandrie Bucéphale et Alexandrie Nicée.
    C’est là que le commandant Coïnos,
qui s’était héroïquement battu à Gaugamèle, puis en Bactriane au cours de la
campagne contre Spitaménès, aux côtés de Cratère, tomba malade et mourut.
Alexandre organisa de somptueuses funérailles et ordonna à ses soldats de construire
une tombe imposante en mémoire de son héroisme et de son courage.
    Il laissa à Porus le pouvoir

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