Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
leur donnaient pas belle allure, mais ils les protégeaient de l’eau
et leur permettaient de passer inaperçus parmi la population locale.
    Dès qu’ils prirent la route des
chaînes de l’intérieur, il se mit à neiger et la température baissa. De grands
nuages de vapeur sortaient des naseaux de leurs chevaux, qui peinaient sur les
sentiers gelés, si bien qu’Alexandre et Héphestion devaient fréquemment
poursuivre leur chemin à pied en aidant leurs montures de leur mieux.
    Parfois, ils s’arrêtaient au sommet
d’un col pour jeter un coup d’œil derrière eux et regarder d’un air déconcerté
la blanche étendue de neige où l’on ne voyait que leurs empreintes.
    La nuit, ils devaient chercher un
abri où allumer un feu pour sécher leurs vêtements trempés, étendre leurs
manteaux et se reposer un peu. Et souvent, avant de s’endormir, ils contemplaient
longuement à travers la réverbération des flammes les gros flocons qui
tombaient en dansant, ou écoutaient l’appel des loups qui résonnait dans les
vallées solitaires.
    Ce n’étaient que des jeunes gens,
qui évoquaient encore leur récente adolescence : au cours de ces instants,
ils étaient envahis par le chagrin et la mélancolie. Il leur arrivait de tirer
le même manteau sur leurs épaules, et de s’étreindre dans l’obscurité ;
ils se souvenaient de leurs corps d’enfants et des nuits où, effrayés par un
cauchemar ou par les cris d’un condamné hurlant son désespoir, ils se
glissaient dans le même lit.
    L’obscurité glaciale et l’inquiétude
pour leur avenir les poussaient à rechercher la chaleur l’un de l’autre, à
s’étourdir de leur nudité à la fois fragile et puissante, de leur solitude
fière et désolée.
    La pâle lumière de l’aube les
ramenait à la réalité, et les tiraillements de la faim les encourageaient à
redoubler leurs efforts pour se procurer de quoi manger.
    S’ils apercevaient les traces d’un
animal sur la neige, ils s’arrêtaient pour tendre des pièges et capturer leur
maigre proie : un lapin ou une perdrix de montagne, qu’ils dévoraient
encore chauds, après en avoir bu le sang. Mais ils devaient parfois repartir
les mains vides, affamés et transis du froid piquant de ces terres
inhospitalières.
    Leurs chevaux souffraient aussi de
privations, puisqu’ils se nourrissaient des herbes sèches qu’ils trouvaient en
grattant la neige de leurs sabots.
    Enfin, après des jours et des jours
d’une marche pénible, exténués par le froid et la faim, ils virent briller
comme un miroir, dans le reflet du ciel d’hiver, la surface gelée du lac
Lychnitis. Ils en longèrent la rive nord au pas, espérant atteindre avant la
tombée de la nuit le village qui portait le même nom : ils pourraient
peut-être passer une nuit au chaud, près d’un feu.
    « Tu vois cette fumée à
l’horizon ? demanda Alexandre à son ami. Je ne me trompais pas :
c’est là-haut que doit se trouver le village. Nous aurons du foin pour nos
chevaux, de la nourriture, ainsi qu’une paillasse pour nous allonger.
    — C’est trop beau, j’ai
l’impression de rêver, répliqua Héphestion. Penses-tu vraiment que nous aurons
toutes ces merveilles ?
    — Oui. Et peut-être aurons-nous
aussi des femmes. Un jour, j’ai entendu mon père dire que les barbares de
l’intérieur les offrent aux étrangers en signe d’hospitalité. »
    Il s’était remis à neiger à gros
flocons, et les chevaux avançaient à grand-peine ; l’air gelé les
transperçait jusqu’aux os. Soudain, Héphestion tira sur les rênes de sa
monture. « Par tous les dieux, regarde ! »
    Alexandre rejeta son capuchon en
arrière et braqua ses yeux devant lui, dans l’épais tourbillon de la neige.
Plusieurs hommes fermaient le passage, immobiles sur leurs chevaux, les épaules
et les capuches recouvertes de neige, armés de javelots.
    « Penses-tu qu’ils nous
attendent ? demanda le prince en empoignant son épée.
    — Oui. De toute façon, nous
allons le savoir bien vite », répondit Héphestion.
    Il dégaina, lui aussi, son épée et
éperonna son cheval.
    « J’ai bien peur que nous
soyons obligés de nous frayer un chemin, ajouta Alexandre.
    — Moi aussi, dit Héphestion,
tout bas.
    — Je ne veux pas renoncer à une
assiette de potage bien chaud, à un lit et à un feu. Et peut-être aussi à une
belle fille. Et toi ?
    — Moi non plus.
    — À mon signe ?
    — D’accord. »
    Mais alors

Weitere Kostenlose Bücher