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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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chaque maison fut vidée de ses occupants au profit de nos gens. Beaucoup de Nankinois allèrent se jeter dans le fleuve Bleu, expliqua tranquillement Yang Xiuqing, comme si de rien n’était.
    —  Nous avons pu le constater… souffla John en pensant aux milliers de cadavres qui flottaient sur le fleuve Bleu et n’étaient évidemment pas morts du choléra.
    Ils passèrent devant une vingtaine de Nankinois au garde-à-vous devant deux femmes Taiping qui leur faisaient chanter des cantiques. C’était extraordinaire : les voix de ces hommes et de ces femmes parfaitement à l’unisson étaient justes et mélodieuses. N’eût été les paroles en chinois de ces chants, John se fut cru dans une bonne vieille paroisse d’un quartier cossu de Londres. Au moment où il passa devant la chorale improvisée, il découvrit les sabres des deux soldates, posés à même le sol à quelques centimètres des orteils des chanteurs du premier rang, et il comprit alors pourquoi ces hommes et ces femmes dont la peur se lisait sur les visages tuméfiés avaient tout intérêt à chanter juste…
    Si l’ancienne capitale de la Chine s’était rendue aux Taiping, elle ne s’était pas encore donnée à eux, songea John devant le spectacle poignant des habitants de cette ville martyre dont il ne restait pratiquement plus rien, si ce n’était d’infimes indices qui témoignaient à peine de son brillant passé, tels des lambeaux de chair sur un squelette d’homme écorché.
    Ce que les Taiping avaient pompeusement baptisé « Palais d’Accueil » était un bâtiment occupé avant l’invasion par l’administration impériale des archives publiques. Dans l’euphorie consécutive à leur victoire, les Adorateurs de Dieu avaient brûlé tous les documents qui y étaient conservés dont certains remontaient à la dynastie des Han. Sur la place attenante qui était encore recouverte de cendres, pendant deux jours consécutifs et à la grande joie des enfants, d’immenses bûchers avaient été nourris par cette paperasse officielle, symbole de la bureaucratie triomphante, vétilleuse et de plus en plus corrompue à laquelle Hong et ses hommes entendaient bien mettre un terme.
    Leur déjeuner se déroula dans un champ de ruines et dans une atmosphère de fin du monde, sous le plafond crevassé et entre les murs en miettes de la salle principale où les archivistes impériaux classaient leurs documents. Visiblement habitués à manger sur leurs champs de bataille, les trois chefs Taiping n’en avaient cure, qui s’empiffraient de riz au poulet ainsi que de carpe farcie aux champignons sous le regard un peu ahuri de leurs deux convives. Bowles, qui avait à peine touché à cette nourriture, fit néanmoins honneur aux mangues mûres et juteuses qui leur furent servies en guise de dessert.
    A l’issue de ces agapes, où personne n’avait prononcé le moindre mot, Yang demanda aux deux hommes :
    —  Accepteriez-vous que quelques-uns d’entre nous aillent visiter le grand vaisseau de sir George   ?
    —  A priori, cela ne devrait pas poser de problème ! s’empressa de répondre Meadows.
    Familier des missions menées par le gouverneur de Hongkong, il savait que celui-ci ne répugnait pas à accueillir à bord de l’ Hermès les quelques officiels locaux – souvent des quémandeurs, qui attendaient ce moment pour faire part discrètement de leurs requêtes – qui souhaitaient y monter.
    En sortant du Palais d’Accueil, Bowles entendit soudain des cris d’enfants fuser de derrière le mur aveugle qu’ils étaient en train de longer. Il s’arrêta pour tendre l’oreille. Dans la désolation et la douleur ambiantes, ces joyeux babils lui firent l’effet d’un baume au cœur. L’innocence, le bonheur, la vie tout simplement faisaient pièce à la désolation, à la violence et à la mort. Bizarrement, ces simples cris d’enfants, cristallins, séraphiques et légers comme les chants d’oiseaux, lui donnaient furieusement envie de découvrir le visage de leurs auteurs.
    —  Que font donc ces gosses   ? hasarda-t-il à l’attention de Yang.
    —  Derrière ce mur, il y a le « camp des enfants » ! C’est là que nos enfants apprennent non seulement à lire, à écrire et à compter, mais aussi à manier le fusil et l’arbalète, lui expliqua fièrement le Prince de l’Orient.
    Notre ami John, qui pensait déjà à l’écho du chapitre de son reportage sur la formation des enfants soldats et

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