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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Français avant de le remercier avec effusion.
    —  Sans vous, je ne sais pas comment j’aurais fait… J’ai eu vraiment beaucoup de chance de vous rencontrer.
    Quelques jours plus tard, les deux hommes avaient embarqué à bord du Magellan , un vieux quatre-mâts portugais qui faisait la navette entre Canton et Manille avec escale à Macao. À la grande surprise d’Antoine, le Magellan ne transportait presque pas de marchandises. Dans ses cales s’entassaient plusieurs dizaines d’hommes et de femmes dans des conditions d’hygiène pitoyables. Les malheureux, privés de lumière, n’avaient droit qu’à un bol de riz et un peu de soupe que leur amenait un membre d’équipage à la tombée de la nuit. Après deux jours de mer, Antoine avait fini par extorquer à l’un des matelots que le navire était affrété par un fournisseur de main-d’œuvre qui opérait depuis Manille. Parmi ces loques humaines, il y avait également une dizaine de femmes habillées de façon pimpante et outrageusement fardées, des prostituées destinées à la plus grande maison close de Macao.
    Après une escale dans la petite colonie portugaise où le navire avait déversé son lot de filles de joie, puis six jours de navigation sur une mer agréable, rythmés par les assauts réguliers de l’écume sur l’étrave du Magellan et le noir ressac des bandes de dauphins qui devançaient gracieusement la fuite blanche des vagues, le vieux rafiot était enfin arrivé à Manille.
    Établie à l’embouchure du fleuve Pasig, la capitale des îles Philippines avait été conquise en 1565 par les soldats du roi d’Espagne qui avaient chassé le rajah musulman alors régnant sur le « Maynilad ». Devenue port franc en 1837, la ville, hier encore simple bourgade aux petites maisons de type hispanique, s’était couverte de constructions nouvelles qui témoignaient de la vigueur de son développement économique.
    La nuit tombait lorsqu’ils avaient débarqué sur le port éclairé par des centaines de flambeaux. Au pied de la passerelle, dans une atmosphère fantasmagorique, un homme à la taille et à l’embonpoint gigantesques, dont les mèches rousses et flamboyantes débordaient sous un chapeau noir d’encre à larges bords, vociférait dans un sabir où se mélangeaient des expressions en espagnol, en anglais, mais aussi en français. Renseignement pris, il s’agissait du fameux fournisseur de main-d’œuvre chinoise, venu contrôler l’état de sa cargaison. Affalé dans un fauteuil de cuir, flanqué d’un médecin qui palpait, toisait, examinait les dentitions et mettait de côté ceux que leurs pathologies rendaient invendables, il faisait défiler un à un tous les pauvres gens qui venaient de sortir, les yeux hagards et le visage crispé par la peur, de la cale du Magellan . Dès qu’il avait vu Vuibert et Stocklett débarquer à leur tour, le colosse à la tignasse en feu s’était précipité vers Antoine en lui tendant une main aussi large qu’une poêle à frire.
    —  Je parie que vous êtes français !
    —  En effet, monsieur !
    —  Mon nom est Jovial. Bertrand Jovial, pour vous servir. Je suis originaire d’Orléans, et vous   ? avait tonné le géant dont la main avait littéralement broyé les phalanges d’Antoine.
    —  Antoine Vuibert… Dauphinois, de la région de Chambéry. Et lui, c’est Nash Stocklett, un sujet de Sa Majesté la reine Victoria.
    À la façon quelque peu méfiante, pour ne pas dire hostile, avec laquelle Jovial avait regardé Nash, Antoine avait compris que le rouquin géant, qui puait le vin à plein nez, ne portait pas les Britanniques dans son cœur.
    —  Bienvenue à Manille, ses filles et son alcool de canne ! Quel est donc le but de votre visite   ?
    —  À vrai dire, nous n’en avons pas. Mon ami et moi avons entendu dire que les Philippines valaient le détour. Nous comptons rester ici une dizaine de jours… peut-être nous baigner… et pêcher dans les criques !
    —  Il faudra faire attention, par ici, la mer est infestée de requins… avait lâché, avec un sourire narquois, le tonitruant Jovial.
    Puis, non sans tourner ostensiblement le dos à Stocklett, il s’était approché d’Antoine et, lui décochant un clin d’œil appuyé, avait posé sa grosse paluche sur son épaule avant de lui glisser, d’une voix grasseyante, dans le creux de l’oreille :
    —  Voyager sans but précis… je connais la chanson. À moi, on ne la fait pas. Tu

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