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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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mètres de la chaloupe, il était sur le point d’avaler la tasse d’eau de mer qui eût irrémédiablement noyé ses poumons lorsque son compagnon, malgré son état d’épuisement, avait pu l’arracher à une mort certaine. Dans la chaloupe ballottée par les vagues et qui risquait à tout moment d’être précipitée vers les falaises, le corps de Stocklett, inconscient, à ses pieds, Antoine avait saisi les deux rames et souqué comme un fou vers une petite plage de sable qu’il avait atteinte, au bord de la syncope, après une demi-heure de lutte acharnée contre les courants. Au moment où, dans un ultime effort, il tirait Stocklett, toujours inanimé, vers la terre ferme, Vuibert avait buté sur le cadavre du capitaine philippin qui gisait sur la grève, la tête fracassée.
    —  Tu m’as sauvé la vie… Jamais je ne l’oublierai… Sans toi, je serais la proie des crabes et des requins… lui avait soufflé Nash lorsqu’il avait repris ses esprits.
    C’était la première fois qu’il tutoyait Antoine.
    —  Je n’ai fait que mon devoir…
    Entre eux, c’était désormais à la vie et à la mort !
    Sous une pluie torrentielle, ils étaient tombés dans les bras l’un de l’autre avant de s’abriter sous leur canot et de sombrer, ivres de fatigue, dans un sommeil irrépressible.
    Lorsque Antoine avait ouvert l’œil, incapable de déterminer combien de temps il avait dormi, le soleil déjà haut brillait dans un ciel sans nuages et, n’étaient les cadavres des Chinois qui jonchaient la plage léchée par les vaguelettes d’une mer d’huile, il eût été impossible de deviner qu’un typhon avait balayé la zone. Pour autant, ils n’étaient pas tirés d’affaire car sans eau ni vivres, sur une plage brûlante bordée par des falaises vertigineuses et lisses, leurs chances de survie étaient fort minces. Le lendemain, le miracle était intervenu sous la forme d’une goélette battant pavillon hollandais qui voguait au large, à quelques encablures de la petite plage.
    En toute hâte, le Français, après avoir réveillé son compagnon encore dans le cirage, avait réussi à mettre le feu au goudron qui colmatait le fond de leur embarcation. L’épaisse colonne de fumée noire avait signalé leur présence au vaisseau qui avait aussitôt affalé ses voiles et jeté l’ancre avant de leur envoyer une chaloupe. Son capitaine, un sympathique vieux loup de mer originaire d’ U trecht qui naviguait dans les parages depuis près de vingt ans, les avait cordialement accueillis à son bord. La goélette faisait route vers Singapour où les deux hommes avaient débarqué quatre jours plus tard dans un état lamentable, couverts de bosses et de plaies.
    Et là, à peine arrivé, quelle n’avait pas été la surprise d’Antoine de voir un homme enturbanné se précipiter vers lui en hurlant son nom. Après un moment d’hésitation, il avait reconnu Jarmil, le Pondichérien dont il avait fait la connaissance au cours de son premier passage dans l’archipel. Signe que ses affaires devaient plutôt bien marcher, il avait planté dans son turban de mousseline rouge une aigrette dont la base était ornée d’un gros diamant.
    —  Bienvenue à Singapore , monsieur Vuibert ! J’étais sûr que vous reviendriez ! Il me semble même vous l’avoir prédit… Singapour est le lieu idéal pour faire du commerce !
    Jarmil, aux anges, ne semblait pas douter une seconde des raisons de la présence du Français. La façon dont il se frottait les mains était, à cet égard, des plus éloquentes…
    —  Vous avez bonne mémoire, Jarmil ! Décidément, dès que j’arrive à Singapour, je tombe sur vous…
    —  Mon métier m’impose d’être présent à l’arrivée des navires qui transportent ma marchandise. Dans les cales du Juliana , il n’y a pas moins de huit caisses…
    —  En effet. Si je comprends bien, les affaires sont prospères, pour vous !
    —  Elles ne vont pas trop mal… Cela étant, monsieur Vuibert, si j’avais la chance de m’associer à quelqu’un de votre profil et de votre trempe, elles iraient encore plus vite et les marges seraient bien meilleures !
    Vuibert, estomaqué par le culot du Franco-Indien, n’avait même pas eu le temps de trouver la réponse appropriée que ce dernier, faisant fi de toute réserve, l’avait pris par le bras pour lui chuchoter dans le creux de l’oreille :
    —  La couleur de ma peau m’est utile lorsque je suis en Inde,

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