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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Occidentaux se regardèrent. Ils pensaient la même chose. Jarmil se payait leur tête.

 
    53
     
    Nankin, 29 avril 1853
     
    Penché sur son carnet, John Bowles, fébrile et concentré, dessinait le couple de dragons enlacés qui ornait l’épaisse porte de la cave où les Taiping avaient entreposé leur « Céleste Trésor ». Celui-ci était composé de toutes sortes d’espèces sonnantes et trébuchantes, de soieries précieuses, d’objets en or et en argent, de vases de bronze, d’armes en jade et de bijoux qui provenaient des prises de guerre que chaque soldat devait, sous peine de décapitation, remettre à son chef à l’issue des pillages.
    —  J’aimerais tant voir ce qu’il y a derrière cette porte… supplia-t-il, au comble de l’excitation.
    Savoir que le trésor de guerre des Taiping, qui permettait aux chefs du mouvement d’entretenir leur bon million de soldats en leur versant, en sus d’une petite solde, la ration alimentaire et le paquet de vêtements correspondant à leur grade, se trouvait à quelques mètres de lui, juste derrière ces planches de cèdre, était une considération qui le rendait fou.
    —  Tu ne verrais que des caisses de bois ! Et puis, gare à moi si Hong venait à apprendre que je t’ai laissé entrer ! chuchota le Prince de l’Orient.
    —  Quelle est la taille de cette réserve   ?
    —  Elle est immense ! Deux cents Taiping adultes y tiendraient sans le moindre problème !
    —  Quel dommage de ne pouvoir y accéder, lâcha encore John qui mettait la dernière touche à ses dragons.
    Une fois son dessin achevé, le journaliste, que son guide avait emmené dans l’une des seules maisons de thé encore ouvertes depuis la prise de la ville, sortit son calepin et demanda :
    —  Pourrais-tu me parler de la façon dont vous êtes organisés, tant sur le plan militaire que religieux   ?
    —  Que veux-tu savoir au juste   ? s’enquit Yang Xiuqing en faisant signe à une petite serveuse qui n’en menait pas large.
    La pauvre fille était pâle comme la mort lorsqu’elle lui tendit d’une main tremblante la liste de la centaine de variétés de thé que la maison servait à ses clients.
    —  Comment le Tianwan dirige-t-il le mouvement de la Grande Paix   ? commença John.
    —  Chez nous, l’armée et l’Église ne font qu’un et personne ne possède rien. Tous nos biens appartiennent à la communauté du Céleste Royaume qui est un État militarisé et centralisé autour de son chef suprême. Hong s’est inspiré du Rituel des Zhou {43} pour définir la hiérarchie militaire : à la base, il y a le brigadier qui commande une escouade de cinq soldats ; puis le sergent-major qui commande une section formée par cinq escouades ; au-dessus, il y a le capitaine qui dirige une compagnie formée par cinq sections et ainsi de suite jusqu’au corps d’armée commandé par un général.
    —  Combien vos corps d’armée comprennent-ils de soldats   ?
    —  Dix mille ! Et une armée en comprend cent mille.
    Bowles, qui continuait à prendre fébrilement des notes, imaginait le déferlement d’une armée de gueux partant à l’assaut d’une place forte avec pour seules armes leurs pauvres lances de bambou munies d’une dérisoire pointe en fer. La mort ne faisait pas peur à ces rebelles de Dieu, preuve incarnée de la maxime évangélique selon laquelle « la foi déplace les montagnes ».
    —  Pas si vite ! lança à Yang notre journaliste au moment où le Taiping commençait à lui décrire par le menu les règlements militaires extrêmement précis auxquels étaient soumis les « bandits aux cheveux longs », que ce fût au bivouac ou sur le champ de bataille.
    Il était interdit à la soldatesque de causer le moindre préjudice à la population ou d’user de violence envers elle ; chaque militaire devait porter, outre son armement, sa nourriture et ses ustensiles ; lors des bivouacs, les armées masculines n’étaient pas autorisées à communiquer avec leurs homologues féminines. La consommation d’opium, de tabac et d’alcool était strictement interdite. Outre le bandeau rouge, pour témoigner de leur allégeance au Céleste Souverain, les soldats étaient tenus de porter un morceau de tissu arborant le caractère shen, « céleste ». Tout manquement à la discipline était puni de mort.
    —  Tu ne vas pas me faire croire que c’est Hong qui a mis tout cela en place ! s’exclama le reporter

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