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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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réussite sociale. Le propriétaire auquel Antoine et ses associés louaient leurs bureaux était un riche Malais du nom de Keluak qui continuait à habiter le reste de la maison. Le mois précédent, ledit Malais s’était fendu d’une visite à Vuibert et à Stocklett pour leur annoncer fièrement qu’il venait d’être admis au Country Club, l’endroit chic où tout ce que Singapour comptait de riches entrepreneurs se retrouvait pour boire du thé ou siroter un verre de gin. Dans le minuscule archipel exclusivement dédié au commerce, le dieu « argent » régnait en maître.
    Le début de l’histoire de la petite société V.S.J. & Co avait été parfait. Pendant que Jarmil allait commander à Abdullah les quantités d’opium requises, ses deux partenaires étaient repartis en Chine pour y dénicher les compradores qui accepteraient de travailler avec eux. Les conditions commerciales qu’ils étaient en mesure de proposer avaient eu facilement raison des réticences des grossistes importateurs à affronter les éventuelles foudres des grandes compagnies anglaises. Le plus dynamique d’entre eux habitait Shanghai et s’appelait – ça ne s’invente pas ! – Deux Fois Plus de Chance… Tout le monde ayant mis les bouchées doubles, dès le mois de septembre 1848, la toute jeune compagnie de Vuibert, Stocklett et Jarmil avait commencé ses livraisons.
    Cela faisait à présent près de cinq ans qu’Antoine et Nash s’étaient lancés dans cette aventure un peu folle, alors qu’au départ ils n’avaient pas prévu d’y consacrer plus de vingt-quatre mois. Mais l’histoire, comme c’est souvent le cas dans le commerce, ne s’était pas tout à fait déroulée comme prévu.
    Si les deux premières cargaisons d’opium étaient arrivées à bon port chez leurs compradores, il n’en avait pas été de même de la troisième sur laquelle des pirates japonais avaient fait main basse. Quant à la quatrième, elle avait été envoyée au fond de l’eau par un typhon qui avait eu raison du navire et de son équipage. Après ces deux avanies, la compagnie s’était retrouvée à court de trésorerie, cernée par ses créanciers. Pendant neuf longs mois, ses trois actionnaires avaient peiné à réunir les fonds nécessaires pour payer de nouvelles traversées.
    La principale conséquence de ces divers accidents de parcours avait été que V.S.J. & Co était restée déficitaire jusqu’en 1851 avant de devenir à peine excédentaire à la fin de l’exercice suivant. C’est dire si nos deux larrons avaient suivi avec inquiétude, grâce à la situation comptable trimestrielle que Nash mettait un point d’honneur à établir, l’évolution des résultats de l’année en cours. Mais face aux graves soupçons qui pesaient désormais sur les épaules de Jarmil, cet attentisme n’était plus de mise et l’heure était bel et bien à la rupture.
    Antoine, sortant brusquement de ses conjectures, se tourna vers Nash, mais celui-ci n’était plus sur le balcon. La chaleur attisée par un vent brûlant venu de la mer avait ramené l’Anglais à l’intérieur de la maison où il s’était affalé sur un canapé. Il alla se planter devant lui et lui dit :
    —  J’ai bien réfléchi. Je propose que nous nous donnions trois mois – et pas un de plus !  – pour cesser de travailler avec Jarmil !
    —  Je suis d’accord ! En attendant, il convient de tirer au clair ces « évaporations » de marchandise, car il ne s’agirait pas que les caisses de la société soient vidées avant même que nous ayons récupéré notre dû.
    —  Il nous faudra opérer subtilement. N’oublie pas que tous nos coolies travaillaient déjà pour Jarmil avant qu’ils ne soient embauchés par V.S.J. & Co…
    —  La semaine prochaine, je disposerai des éléments qui me permettront d’établir la situation comptable au 30 mars… Nous y verrons plus clair sur l’ampleur de la fraude dont nous sommes les victimes !
    L’arrivée inopinée de Jarmil, de retour de l’entrepôt, mit un terme à la conversation entre les deux hommes. Sous son turban rouge endiamanté, le Pondichérien affichait un air à la fois narquois et satisfait.
    —  Arturo s’est débrouillé comme un chef. Les caisses sont toutes à leur place, prêtes à l’embarquement pour le prochain bateau ! L’équipe de l’entrepôt est vraiment formidable. Surtout les coolies ! Ils nous sont dévoués corps et âme !
    Les deux

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