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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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aux tempêtes étaient capables d’y habiter sans sombrer dans le désespoir. On n’y croisait d’ailleurs que des familles de pêcheurs en haillons qui vivaient là de père en fils. Pour ne rien arranger, le village était traversé par une rivière d’apparence calme et modeste qui, lorsqu’elle se heurtait à la marée montante, se transformait en un fleuve impétueux menaçant d’engloutir les barques des pêcheurs, et à l’inverse, à marée descendante, devenait un immense champ de sables mouvants recouverts de vase où il ne faisait pas bon s’aventurer. Quant au village de pêcheurs proprement dit, qui jouxtait son port minuscule, il puait la misère. Dans ses ruelles perpétuellement embourbées, quelques vieillards désœuvrés, pour la plupart d’anciens pêcheurs usés jusqu’à la corde, regardaient passer les charrettes remplies de poisson.
    C’était par le plus grand des hasards que La Pierre de Lune s’était retrouvé dans ce coin perdu aux allures de bout du monde. Certains jours, il lui arrivait même de s’y sentir échoué, tels ces troncs d’arbres lisses, d’aspect minéral, immaculés et brillants comme l’ivoire, que les marées déposaient sur la grève de Shantou après la tempête.
    Dans des lieux aussi lugubres, l’apparition de cette jeune fille avait quelque chose de parfaitement incongru.
    —  A force d’avoir le dos courbé, on a des crampes… Mais comment l’avez-vous deviné   ? lui demanda La Pierre de Lune, abasourdi.
    —  Il suffit de vous observer… Vous avez l’air d’avoir mal partout.
    —  Vous m’observez depuis longtemps   ?
    —  Depuis plusieurs… euh !… que vous êtes arrivé ici !
    C’était un comble ! Depuis qu’il était arrivé dans ce petit village blotti le long du lit d’une méchante rivière boueuse, il était surveillé par une jeune Chinoise richement vêtue et il ne s’en était même pas rendu compte !
    Alors, de plus en plus ahuri, il demanda à la jeune fille si elle était du coin.
    —  J’habite un peu plus loin, sur la route de Zhangzhou. Mon père est propriétaire du chantier naval.
    —  Quel est votre nom   ? Moi, c’est La Pierre de Lune.
    —  C’est un joli nom ! Moi, c’est Pivoine Maculée de Rose.
    Il se sentait si mal qu’il n’avait même pas la force de lui rendre la pareille en lui disant qu’elle portait elle aussi un très joli nom. Lorsque la jeune fille lui toucha le front, il ne put s’empêcher d’avoir un mouvement de recul. Depuis Laura, il n’avait eu de contact avec aucune femme.
    —  Vous avez une fièvre de buffle ! Il faut vous soigner. Je vous propose de venir à la maison. Mon père connaît bien les propriétés des simples…
    La Pierre de Lune déclina poliment l’invitation. Il n’était pas dans les traditions qu’une jeune fille puisse ainsi faire venir chez ses parents un inconnu.
    —  Demain, ça ira mieux…
    —  Je vous assure, La Pierre de Lune, vous êtes gravement souffrant. Si vous restez là, bientôt, vous ne pourrez plus vous lever ! insista Pivoine Maculée de Rose.
    Le fils caché de Daoguang avait le souffle court.
    —  Je n’ai pas fini mon travail ! Je me suis engagé auprès du propriétaire de ce filet à le lui fournir remaillé pour demain matin à l’aube…
    C’était ainsi qu’il survivait depuis son arrivée à Shantou, six mois plus tôt, en rendant aux pêcheurs quelques menus services.
    —  Ce n’est pas étonnant que vous soyez malade quand on sait où vous logez… une simple cabane de roseau ne permet de s’abriter ni de la pluie ni du vent !
    —  Vous connaissez tout de moi ! murmura-t-il.
    Puis, soudain glacé et les dents claquantes, il s’affala sur le côté comme touché en plein cœur par une flèche.
    —  Vous m’entendez   ? La Pierre de Lune, vous m’entendez   ? hurla la jeune fille en même temps qu’elle le secouait, sans succès.
     
     
    *
    * *
     
    Lorsqu’il ouvrit les yeux et découvrit, penché au-dessus de lui, le visage glabre et émacié d’un homme qui lui souriait, il se demanda s’il était vivant ou mort. Des moments qui avaient précédé sa perte de conscience, il ne se souvenait plus, si ce n’était d’une étrange rencontre avec une jeune fille richement parée.
    —  Où suis-je   ? souffla-t-il, à moitié rassuré.
    —  N’ayez pas peur, La Pierre de Lune. Personne, ici, n’a l’intention de vous enfermer dans une cage ! L’heure du coq est

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