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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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manger et certains aubergistes lui offraient volontiers le gîte. Il s’était donné pour but d’avancer le plus loin possible, persuadé que plus il mettrait de distance entre Illumination Subite et lui-même, plus vite il guérirait, comptant sur la pluie et sur le soleil pour laver et sécher son esprit comme s’il était un linge souillé et froissé qui avait besoin d’être purifié. Lorsqu’il était à bout de forces, il méditait sur la façon dont Zhuangzi avait défini l’« homme parfait » : L’homme parfait oublie qu’il a un foie et une vésicule biliaire ; il ne se soucie pas plus de ses yeux que de ses oreilles ; il est capable de se promener sans but en dehors du monde poussiéreux et trouve sa liberté en étant capable de ne rien faire.
    C’est ainsi qu’un beau jour de décembre 1852, il était arrivé à Shantou, cahin-caha. Il n’avait jamais vu la mer. Elle était déchaînée, dans la lumière de soufre d’un soleil blafard voilé par des brumes cotonneuses. Face au spectacle inoubliable et grandiose de l’océan transformé en un périlleux escalier festonné de vagues gigantesques, il était tombé à genoux sur la grève humide et avait décidé qu’il était temps pour lui de faire halte.
    Quelqu’un lui toucha le front et il ouvrit à nouveau les yeux.
    C’était le père de Pivoine Maculée de Rose. Il tenait une assiette de raviolis jiaozi et lui souriait.
    —  Comment vous sentez-vous   ?
    —  Beaucoup mieux !
    —  Dites-moi, La Pierre de Lune, depuis combien de temps n’avez-vous pas mangé de viande   ?
    —  J’ai passé cinq ans dans un monastère bouddhiste…
    —  Je m’en doutais… Vous deviez déjà vous sentir très fatigué lorsque vous en êtes parti…
    —  Exténué, à vrai dire.
    Son hôte l’aida à se redresser et lui tendit un jiaozi.
    —  C’est à cause des carences alimentaires. La chose est courante chez les gens qui ne mangent que des légumes… Il faut recommencer à manger de la viande !
    —  J’ai bien peur que mon estomac ne l’accepte pas !
    —  Vos yeux sont rassasiés mais votre ventre crie famine sans que vous le sachiez !
    Le calligraphe consentit à prendre le ravioli et commença à le mastiquer lentement, avec d’infinies précautions, comme s’il craignait qu’en l’avalant trop vite son conduit digestif ne le rejetât.
    —  Votre fille pourrait être médecin ! murmura-t-il, exténué par l’effort, au père de Pivoine Maculée de Rose.
    —  A force d’observer le comportement des malades que je soigne, il est vrai qu’elle devient capable d’établir certains diagnostics…
    —  Quelle sorte de maladie avais-je attrapé   ?
    —  Vous souffriez des Six Excès {46} . Aussi vous ai-je administré trois pilules refroidissantes Yin à base de poudre de ciboule, de menthe des champs et de cigale pilée.
    —  C’est très efficace. La fièvre semble être tombée.
    —  Tout à l’heure, vous en prendrez deux autres et le tour sera joué !
    —  Que font tous ces gens   ? ajouta le fils caché de l’empereur de Chine en désignant un groupe dans la cour, sous les fenêtres de sa chambre.
    —  Ma maison est devenue une sorte de dispensaire. Aucune de ces personnes n’a les moyens d’aller chez le médecin. Elles savent qu’en venant ici, elles seront convenablement soignées, expliqua sobrement le patron du chantier naval.
    A présent qu’il reprenait peu à peu ses esprits, le fils de Daoguang pouvait mieux détailler son hôte. Il était sûrement d’origine Han, ainsi qu’en témoignaient sa natte et le soin qu’il mettait à se raser le crâne. Le plus frappant dans son visage aux traits fins, dont rien ne venait troubler l’harmonie, d’aspect quasiment minéral, c’étaient ses yeux noirs qui semblaient vous transpercer quand il vous regardait, des yeux qui rayonnaient à la fois de fierté et de bonté.
    —  Je croyais que vous construisiez des bateaux…
    —  J’ai repris le chantier naval fondé par mes honorables ancêtres il y a plus de trois cents ans. Sous les Ming, on y fabriquait des jonques de guerre. Depuis l’arrivée des Mandchous, nous nous contentons de construire de solides petites barques de pêche !
    —  Vous avez fréquenté l’école de médecine   ?
    —  Jamais de la vie ! Je suis un pur produit de l’apprentissage familial. Les premiers livres que me fit lire mon père, qui disposait des même dons que moi, étaient le

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