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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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qu’il avait dû se faire violence pour ne pas se mettre à tambouriner sur le plancher de la cave en criant à l’assassin : comme il n’était pas armé, les deux sbires n’auraient fait qu’une bouchée de lui s’ils avaient découvert sa cache juste sous leurs pieds.
    À peine les deux hommes s’étaient-ils éclipsés que le Français, sans trop y croire, avait murmuré à Stocklett :
    —  Peux-tu rouler sur le côté, mon petit Nash, que je puisse sortir d’ici et appeler les secours   ?
    —  Mmmm…
    Nash vivait encore !
    L’Anglais, si hébété qu’il était incapable de répondre, avait fini, dans un ultime effort, par exécuter un quart de tour sur le flanc, ce qui avait permis au Français de soulever la trappe et de s’extirper de la cave…
    Il s’était aussitôt agenouillé auprès de Nash qui gisait sur le parquet, les mains crispées sur la lame du poignard enfoncée jusqu’à la garde dans son abdomen.
    —  Je vais aller chercher du secours… Tu vas t’en sortir, mon petit Nash…
    —  Reste ici, avec moi… prends-moi la main… avait soufflé le blessé dont les yeux vitreux et le teint cireux témoignaient de l’imminence de l’issue fatale.
    —  Tu ne veux pas que j’aille chercher un médecin   ? J’en ai pour cinq minutes !
    L’Anglais lui avait fait signe d’approcher et, malgré le gargouillis de sang qui jaillissait de sa bouche et rendait ses borborygmes peu compréhensibles, il avait soufflé au Français :
    —  J’ai pris la part de ce salaud de Jarmil… J’aurais dû te le dire… Pardonne-moi !
    Antoine, bouleversé, avait serré la main de son compagnon dont le corps blanchâtre comme de l’eau de riz était en train de se vider de son sang.
    —  C’est ce que j’ai compris. Il ne la méritait pas. Tu as bien fait !
    —  J’ai divisé les actifs en deux parts égales, l’une pour toi et l’autre pour ma petite Laura, ma fille… Je ne regrette pas de l’avoir fait…
    Tels avaient été les derniers mots de Nash Stocklett, au moment où, saigné à blanc, il avait perdu définitivement connaissance dans les bras de son compagnon pour ne plus jamais rouvrir les yeux.
    Bowles, pour tenter de ramener vers lui l’attention de Vuibert, se racla la gorge et dit :
    —  Ce n’était pas votre heure !
    —  J’ai eu beaucoup de chance. Figurez-vous que j’étais allé chercher des œufs à deux rues d’ici. S’il n’y avait pas eu la queue chez la marchande, je ne serais pas devant vous avec cette fichue bouteille…
    —  Selon vous, qui a fait le coup   ?
    Antoine, après avoir dégluti, ne put réprimer un frisson.
    —  Je n’en ai pas la moindre idée. Si je le savais, je leur ferais payer fort cher le meurtre d’un innocent ! fit-il d’une voix sourde et lasse à la fois.
    John, désappointé par la réponse, voyait déjà l’information du meurtre de Stocklett réduite à une simple brève en bas de page intérieure du Weekly. Parler d’un crime commis à Shanghai sans pouvoir en raconter la raison ni, a fortiori, en dépeindre les auteurs n’avait pas grand intérêt vu le nombre d’assassinats commis dans la ville.
    —  Pourriez-vous me dire où repose M. Stocklett   ?
    —  Au cimetière de la concession anglaise. J’ai fait inhumer le corps très vite. Il n’était pas beau à voir… Et avec la chaleur, il n’aurait pas tenu une journée sans commencer à se décomposer !
    Le journaliste reparti, Antoine, groggy comme un boxeur sonné, alla, d’un pas traînant, vers la fenêtre. En repensant à l’incroyable geste de Nash, lorsqu’il avait privé Jarmil de sa part à son profit et à celui de Laura Clearstone, il regarda le ciel où des diaprures blondes se dénouaient en sinuosités nonchalantes qui semblaient sans matière et d’une texture purement lumineuse. Sous cet amas d’azur teinté de flammèches, il se sentit soudain orphelin.
    Depuis son arrivée en Chine, il n’avait pas vu passer les jours. Telle la poignée de sable que la main essaie vainement de serrer, le temps s’était écoulé sans qu’il pût le retenir. Que restait-il de ses illusions des premiers pas à Shanghai, de ses rêves de fortune faite en quelques mois en Chine, de sa soif d’aventures trépidantes et de cette quête d’un bonheur qui n’avait cessé de s’éloigner au fur et à mesure que le temps avait passé   ? Pas grand-chose en vérité, si ce n’était des bribes de souvenirs qui

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