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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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incroyable ! Alors que, quelques minutes plus tôt à peine, il s’apprêtait à présenter à Row sa démission pour partir en Chine, voilà qu’il en était à collaborer avec lui comme si de rien n’était !
    —  Inutile, mon cher. J’y ai déjà pensé ! s’écria le gérant en désignant d’un air gourmand une enveloppe grise posée sur sa table de travail.
    Nash ne put que s’en emparer, puis, machinalement, l’ouvrit. Malgré les circonstances, son contenu lui mit un peu de baume au cœur. Row y avait glissé un coupon aller-retour Plymouth-Le Havre-Shanghai à bord de l’ Adhémar, le tout avec hébergement dans une « cabine individuelle, pont supérieur » et possibilité de prendre « tous les repas au restaurant du bord ». Autrement dit, on lui payait la première classe, un privilège réservé aux seuls « grands cadres » de Jardine & Matheson dont le nombre – il était bien placé pour le savoir, étant donné qu’il visait leurs faramineuses notes de frais  – ne dépassait pas la vingtaine. Loué soit Dieu : il faisait désormais partie du club !
    Le départ de France était fixé au 6 septembre, de sorte qu’il disposait à peine d’une quinzaine de jours pour faire ses valises et préparer son voyage. En même temps qu’une bouffée d’orgueil, un léger sentiment d’euphorie le gagna. Avec un peu de chance, dans moins de trois mois, il serait à pied d’œuvre et pourrait enfin commencer à faire le bien de Laura et de son frère. Il se rachèterait une conduite. Le jour du Jugement dernier, il se présenterait comme un pécheur assumant ses fautes mais ayant tout entrepris pour les expier et en atténuer les conséquences.
    Lorsqu’il sortit de chez Stanley Row, les fondés de pouvoir qui faisaient antichambre scrutèrent son regard avec inquiétude pour y détecter les traces de l’engueulade ou du compliment qui les attendait. La satisfaction qu’il affichait leur rendit le sourire.
    Au lieu de regagner son bureau, notre comptable en rupture de ban décida d’aller faire quelques pas dehors. Et lorsque ceux-ci, sans qu’il sût trop pourquoi, le firent entrer dans Hyde Park, son euphorie avait disparu et la culpabilité l’avait à nouveau envahi, au point qu’il était indifférent à la somptuosité des arbres majestueux et des pelouses impeccablement tondues. Alors que, d’ordinaire, il admirait toujours la robe noire et luisante des montures des Horse Guards, il croisa sans le voir l’un de leurs escadrons qui regagnait sa caserne au petit trot. Quant à la joyeuse agitation des enfants venus des beaux quartiers et qui jouaient à la balle ou au croquet sous la houlette de leurs gouvernantes, elle lui paraissait insoutenable, comparée à la tragédie vécue, à la minute même, par les enfants Clearstone.
    Il se retourna et s’aperçut qu’il venait de traverser l’immense parc sans même s’en rendre compte.
    Soudain, il eut le sentiment qu’il n’était que le rouage minuscule d’un mécanisme gigantesque sur lequel il n’avait aucune prise. Le destin n’en faisait qu’à sa tête, le forçant à rester dans ses rails comme un train qui n’a d’autre choix que d’aller vers sa gare terminale. Il s’en voulait de ne pas avoir eu le courage de refuser la mission de Row. Avait-il vraiment maîtrisé sa vie depuis qu’il était né   ? Il n’avait même pas été capable d’épouser Barbara, et la femme de sa vie lui avait définitivement échappé par son entière faute, car il était bel et bien la cause de sa mort.
    Un assassin par défaut, voilà ce qu’il était !
    Il entendit un clapotis et constata qu’il marchait sur l’un des ponts qui enjambaient la Tamise. Perdu dans ses sombres pensées, il avait traversé près de la moitié de Londres… Le fleuve était à ses pieds, perturbé par les vaguelettes du contre-courant qui marquaient le début de la marée montante. Accablé, il déchira sa lettre de démission, en fit une boulette compacte et la lança en direction de l’eau d’un geste brutal.
    La boule de papier froissé pesait si peu que sans la brise, qui venait de se lever, elle aurait lamentablement atterri à ses pieds au lieu de finir dans les eaux du fleuve.
    Et lui, Stocklett, ne pesait pas plus que ce pauvre petit bout de papier soumis au bon vouloir des vents…

 
    35
     
    Canton, 24 août 1847
     
    C’était le monde à l’envers.
    Face au chef Liang, l’eunuque Toujours Là, qui avait

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