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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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rigoureusement incapable de sortir de ce rapport malsain que son chef lui imposait avec un art consommé de la manipulation dominatrice.
    —  Jack Niggles n’a pourtant pas mauvaise réputation ! Il est même considéré comme un homme rigoureux ! lâcha-t-il d’un air maussade.
    —  Les homosexuels, ça ne voit pas passer les balles. Ce garçon a souvent la tête ailleurs, savez-vous   ? Pour ne rien vous cacher, je le fais surveiller, précisa Row avec des airs de conspirateur.
    —  Vous… vous l’espionnez   ?
    —  Discrètement, bien sûr. Je paie un informateur pour ça. Un Occidental, je vous rassure tout de suite. Je n’ai aucune confiance dans les Chinois ! Là-bas, tout se monnaye et les Chinois, comme d’ailleurs tous les Asiatiques, n’ont aucune espèce de parole. Ils sont capables de trahir père et mère moyennant quelques piastres.
    —  Je vois… murmura Nash, songeur.
    À vrai dire, Stocklett n’était qu’à moitié étonné par ces révélations. Il y avait belle lurette que ses illusions s’étaient envolées sur la bonté et le fair-play dont les êtres humains étaient capables lorsqu’ils étaient au service de grandes organisations commerciales. Quant au jugement péremptoire du gérant sur la malhonnêteté des Chinois, il ne l’étonnait guère. Row, qui n’avait jamais mis les pieds en Chine, ne faisait que répéter ce qu’il entendait dans les couloirs de Jardine & Matheson et lisait dans les journaux qui vantaient à longueur de pages la mission civilisatrice de l’Empire britannique. D’ailleurs, n’était-ce pas une façon de se donner bonne conscience quand on forçait les Chinois à acheter votre opium   ?
    Tout ce qu’il découvrait était désespérant mais parfaitement conforme à ce qu’il savait déjà.
    Quant au fait que Niggles aimait les garçons, cela importait peu à Nash Stocklett. Après tout, c’était son droit. Que ses mœurs créent des difficultés à cette grande gueule royalement payée qui ne se gênait pas pour dénigrer son travail n’était cependant pas pour déplaire au chef comptable. Quant à Stanley Row, un homme pour qui la fin justifiait toujours les moyens, il était dans l’ordre des choses qu’il fît espionner le directeur de sa filiale chinoise. Depuis toujours, chez Jardine & Matheson, les bruits les plus divers couraient sur la présence – non seulement dans les entrepôts mais également à tous les étages du siège de l’entreprise – d’espions à la solde de la direction générale. Dans la plupart des entreprises, les financiers étaient persuadés qu’ils lui évitaient la faillite et les commerciaux qu’ils la faisaient vivre. Chacun jugeant l’autre éminemment inutile, voire parfaitement dangereux pour la bonne marche des affaires, se croyait par conséquent irremplaçable, alors qu’il y avait toujours pléthore de collaborateurs désireux de prendre la place de leur chef.
    —  Jusqu’à preuve du contraire, s’il y a faute, de la part de Niggles, c’est plutôt par manque de surveillance et de contrôle. Son honnêteté, pour l’instant, n’est pas en cause. Jack ne s’amuserait pas à détourner de la marchandise… avec la solde que je lui octroie, ce serait le pompon !
    Le chef comptable faillit acquiescer mais il se ravisa. Abonder dans le sens de Row eût été faire preuve de faiblesse. Pas mécontent, toutefois, de voir le pétrin dans lequel s’était fourré son ennemi intime, il en profita pour enfoncer le clou et murmura :
    —  Les commerciaux pèchent souvent par manque de rigueur…
    —  Sans commerciaux, notre compagnie n’existerait pas ! rétorqua sèchement le gérant qui n’entendait pas céder à Nash le moindre pouce de terrain, avant d’ajouter, avec des airs de conspirateur :
    —  Bien sûr, tout ce que je vous ai dit doit évidemment rester strictement entre nous…
    —  Cela va sans dire, Stanley, souffla le chef comptable.
    Le visage déformé par la contrariété, Stocklett serrait sa lettre de démission comme un poignard destiné à être planté en plein cœur de son chef.
    —  Plus tôt vous partirez et mieux ce sera ! conclut le gérant, à nouveau avenant.
    —  Il faut que je réserve très vite mon billet. À cette époque, les bateaux pour la Chine sont pleins, dit Stocklett, partagé entre la désagréable impression d’être poussé du haut d’un toboggan et la satisfaction de profiter de cette aubaine.
    C’était

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