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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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plus menteur que les autres, parvenait même à vendre des petits galets provenant d’une « rivière enchantée » et qui « empêchaient l’eau de riz de se répandre » à des malheureux qui ingurgitaient comme des bonbons ce qui leur provoquerait à coup sûr un ulcère d’estomac !
    Sous le regard hostile des passants bien portants qui ne comprenaient pas à quoi rimait son petit jeu, John continuait à croquer tout ce qu’il voyait et à prendre force notes. Bien qu’excité par la perspective du tabac que ne manquerait pas de faire son reportage, il avait un peu honte de se comporter en voleur d’images face à un spectacle qui dépassait en horreur tout ce qu’il avait pu voir auparavant. Entre voyeurisme et journalisme, la frontière était singulièrement ténue.
    Il venait de quitter le quartier des remèdes et était entré dans celui du Panier Jaune. Au bout de la rue, il aperçut soudain la façade du presbytère de Roberts et ne put s’empêcher de repenser à Laura Clearstone.
    À mesure qu’il approchait de la maison du pasteur baptiste, il évoquait le beau visage de cette jeune Anglaise aux longs cheveux dorés qu’il n’avait rencontrée qu’une seule fois, le jour où il avait dû annoncer à sa mère la mort de son mari. Il revoyait l’intensité de son regard bleu lorsqu’elle l’avait sommé de quitter le presbytère.
    Après le drame affreux, dont il avait été l’acteur involontaire, qu’avait été pour Barbara l’annonce du décès de Brandon,  la façon brutale avec laquelle il avait été éconduit par Laura Clearstone, pourtant si douce et si calme en apparence, avait été un terrible coup de poignard. Le lendemain, incapable de mettre un pied dehors, il était resté cloîtré dans sa chambre d’hôtel et, comme pour conjurer le sort en fixant l’image éphémère de cette jeune fille angélique au doux regard et aux longs cheveux blonds, il s’était rué avec fébrilité sur son carnet à croquis afin d’en dessiner le portrait de mémoire. Bien que ne l’ayant vue qu’une fois, il avait suffi de quelques instants pour que, au bout de sa mine de plomb, le visage de Laura apparût sur la feuille, preuve que ses traits s’étaient durablement imprimés dans son cerveau. Il n’avait pas regretté ce geste irraisonné et quelque peu impulsif. Deux jours plus tard, lorsqu’il était revenu chez Issachar Roberts dans l’espoir de la revoir, le pasteur lui avait sèchement expliqué que la mère de Laura était décédée et que sa fille était partie avec son frère sans laisser d’adresse. Alors, ne sachant pas s’il la reverrait un jour et pour rendre un ultime hommage à cette famille décimée par le malheur, il avait immortalisé Laura et Joe au moment où les Clearstone débarquaient en Chine. C’était sur cette feuille, qu’il avait par la suite envoyée à Sam Goodridge avec d’autres scènes de la vie quotidienne cantonaise, qu’était tombé Stocklett dans le bureau du rédacteur en chef del’ lllustrated London News.
    La perte de toute trace de Laura Clearstone avait curieusement plongé Bowles, tout feu tout flammes au moment de son arrivée à Canton, dans un état voisin du désespoir. En guise d’immersion, on ne pouvait pas faire pire. L’annonce de la mort de Barbara et la fugue inexpliquée de sa fille l’avaient bouleversé. Pendant plusieurs semaines, il s’était torturé les méninges, allant jusqu’à se demander s’il n’avait pas commis une bévue monumentale en acceptant la proposition de Goodridge. Mais étant donné que son journal s’était bien gardé de lui donner de quoi payer son billet de retour, il n’avait pas eu d’autre choix que de prendre en patience la neurasthénie dont il souffrait en espérant qu’elle finirait, avec le temps, par céder.
    Par bonheur, son aubergiste, un bouddhiste au doux regard rempli de compassion, baragouinait l’anglais. Le saint homme avait déployé des trésors d’énergie pour aider son client à sortir de la léthargie où il était plongé. Il avait fait ingurgiter à Bowles, incapable de faire trois pas dehors et qui passait ses journées à dessiner les bananiers et la cage aux tourterelles du jardin intérieur de la minuscule pension de famille, toutes sortes de décoctions et de fortifiants à prendre sous forme de poudres, de pilules ou de liqueurs. Au bout d’un mois de ce régime, c’était uniquement pour faire plaisir à son hôte que notre reporter

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