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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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dessinateur avait consenti à mettre le nez dehors. Au moment où il s’apprêtait à franchir le seuil de l’auberge, après avoir préparé ses crayons et ses pinceaux, l’aubergiste lui avait murmuré, en plaçant ses mains jointes contre son front :
    —  Le Bienheureux a écouté mes prières… A présent, l’énergie des souffles est revenue en toi…
    —  Qui appelles-tu le Bienheureux   ?
    —  Le Bouddha, voyons ! Le Bienheureux, c’est lui, Siddhârta Gautama ! Celui qui donna les Nobles Vérités au monde.
    —  Comment pourrais-je le remercier   ?
    —  Il suffit de porter quelques offrandes à la pagode. Des bananes et des oranges, du riz et des pâtes, ou encore des colliers de fleurs, sachant qu’il vaut mieux offrir des choses comestibles…
    —  Pourquoi   ?
    —  Les moines de la pagode ne mangent que ce qu’on leur donne… et ils offrent le surplus aux pauvres gens !
    Bowles ne connaissait strictement rien aux arcanes de la religion bouddhiste.
    —  Y a-t-il une pagode à Canton   ? s’était-il enquis auprès de l’aubergiste.
    —  Il en existe plus de cinquante !
    —  Quelle est la plus belle   ?
    —  La pagode de l’Illumination. Tu prends la première avenue à droite en sortant d’ici et au loin tu apercevras une immense tour de briques à laquelle pendent des bannières qui flottent au vent. C’est là. Il suffit d’une bonne heure de marche pour y parvenir.
    —  J’y vais de ce pas ! J’achèterai de la nourriture au marché et je l’offrirai aux moines, s’était écrié, quelque peu ragaillardi, le dessinateur de presse.
    Était-ce ou non grâce au Bouddha, ou parce que les neurones du cerveau de Bowles avaient commencé à perdre un peu moins de leur sérotonine, toujours est-il qu’un vrai petit miracle s’était accompli au plus profond de son être. À peine s’était-il retrouvé dans la rue que sa curiosité et ses réflexes de reporter avaient repris le dessus. Sur le chemin de la pagode, après avoir dévalisé un marchand de fruits et légumes, il s’était laissé guider par l’atmosphère envoûtante de l’immense ville, ce grand corps palpitant où le pire côtoyait le meilleur. Lorsqu’il avait déposé ses offrandes au pied d’une immense statue du Bouddha ventripotent et souriant devant laquelle s’inclinaient les dévots dont les mains jointes tenaient un bâtonnet d’encens, le journaliste avait éprouvé une incroyable sensation de délivrance, comme si son corps expulsait brusquement les miasmes dont il était jusque-là infecté.
    En sortant de la pagode de l’Illumination, John était un autre homme et la léthargie dans laquelle il était tombé à cause des Clearstone n’était plus qu’un lointain souvenir.
    Heureux comme un gosse qui revit après une rougeole ou une varicelle, Bowles avait décidé de consacrer son premier reportage à l’industrie cantonaise de la soie. Fasciné par le spectacle des centaines de tisserands qui s’affairaient devant leurs métiers dans les immenses halls de la manufacture impériale, il les avait croqués pendant des heures et sous tous les angles, malgré le regard quelque peu étonné – et même, parfois, hostile – des contremaîtres qui ne voyaient pas d’un bon œil l’irruption sur leur lieu de travail de cet intrus au nez long dont les feuilles se noircissaient à une vitesse hallucinante. À force d’arpenter les divers quartiers de Canton à la rencontre de leurs habitants et de humer l’atmosphère si particulière de son immense zone portuaire où toutes sortes de trafics illicites se développaient en plein jour sous l’œil goguenard d’autorités corrompues jusqu’à la mœlle, le jeune dessinateur de presse commençait à bien connaître la ville où il était arrivé quatre mois plus tôt. Tout à son désir d’explorer tous les recoins du monde peuplé d’étrangetés qu’il découvrait chaque jour avec la même fascination, il avait fini par se faire à l’idée que sa route ne croiserait jamais plus celle de Laura Clearstone.
    Jour après jour, la parenthèse « Laura Clearstone » se refermait tout doucement…
    Mais John Bowles avait d’autres raisons d’être présentement d’humeur guillerette.
    La semaine précédente, il avait reçu par courrier le premier retour des impressions de Goodridge concernant son travail. Et elles étaient mieux que bonnes. Presque dithyrambiques. Son rédacteur en chef le félicitait pour la

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