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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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son unique pitance de la journée auprès de l’un des assistants du Père Supérieur.
    Cela faisait deux mois que le jeune homme avait trouvé refuge au monastère. Deux mois pour ainsi dire immobiles et pendant lesquels, après les épisodes mouvementés qu’il avait vécus, le temps semblait avoir suspendu son vol. Invariablement et comme pour tous les moines, les journées de La Pierre de Lune étaient partagées entre les corvées communautaires et l’étude des textes sacrés du bouddhisme. Dans quelques semaines, à l’issue de son premier trimestre de présence au monastère du temple de l’Illumination, on lui donnerait son nom de moine au cours d’une cérémonie solennelle. Selon la règle édictée par le Supérieur de la Grande Pagode, tous les bonzes étaient obligés d’abandonner leur nom de famille avant de prononcer leurs vœux. Ce jour-là, le moine se donnait entièrement au Bienheureux Bouddha et devenait capable de suivre la même Voie que Lui : celle qui menait au nirvana {20}
    Le Bouddha demandait à ses adeptes de renoncer à tout désir et de ne plus faire aucun projet. Selon lui, c’était ainsi que les êtres échappaient à la souffrance et à la frustration perpétuelles, amplifiées et démultipliées par les réincarnations incessantes auxquelles étaient condamnés ceux qui s’écartaient du droit chemin et se voyaient contraints de renaître sous des formes inférieures, par exemple celle d’un insecte à la merci du moindre oiseau qui passait, ou encore celle de la souris dont le destin était de finir dans le ventre d’un chat…
    C’était pour apprendre à vivre sans Laura que La Pierre de Lune avait décidé de s’imposer ce nouveau mode de vie.
    Il revenait de loin et avait eu très chaud, passant en quelques jours de l’euphorie de la liberté au désespoir de l’absence de la femme qu’il aimait. Traqué par la police secrète qui avait eu vent de son retour à Canton, il avait failli tomber dans une embuscade lorsqu’il s’était précipité chez Issachar Roberts, tout à sa hâte de retrouver sa chère Laura. Il y avait été froidement accueilli par Bambridge qui lui avait sèchement expliqué comment la jeune Anglaise, juste après la mort de sa mère, était partie avec son frère sans laisser d’adresse. Ces terribles nouvelles l’avaient laissé sans voix. Les questions se bousculaient dans sa tête. Pourquoi Laura ne l’avait-elle pas attendu   ? Où se trouvait-elle   ? Comment avait-elle réagi à la mort de sa mère   ? Pourquoi avait-elle quitté le presbytère sans dire où elle allait, sachant que ce ne pouvait être que là qu’il reviendrait la chercher   ? Pour La Pierre de Lune, rempli de joie lorsqu’il avait franchi la porte du presbytère, le temps de la désillusion était venu, même s’il ne doutait pas que la jeune femme continuât à l’aimer. Car il en était sûr : si elle s’était enfuie, c’est que des circonstances indépendantes de sa volonté l’y avaient obligée. Cela faisait exactement quatre mois que leurs chemins s’étaient séparés sur le bateau-restaurant de la Rivière des Perles et qu’il ne lui avait pas donné de nouvelles. Peut-être avait-elle pensé qu’il ne reviendrait pas. Peut-être, aussi, voulait-elle cacher sa grossesse à Roberts et Bambridge… Au fil des semaines, le ventre de Laura avait dû s’arrondir. Bientôt viendrait le moment où elle accoucherait de leur enfant. Serait-il à ses côtés, ce jour-là   ?
    —  Mme Clearstone n’était pas en bonne santé, avait-il fini par souffler, accablé.
    —  Elle est morte de fièvre en quelques heures, lui avait précisé la gouvernante du pasteur sans témoigner de la moindre émotion.
    Imaginant le pire, il avait essayé d’en savoir plus sur les conditions du départ de Laura.
    —  Vous n’avez pas une idée de l’endroit où sa fille a pu se rendre, mademoiselle Bambridge   ?
    —  Fichtre non ! Si vous voulez mon point de vue, cette fille n’est qu’une pimbêche totalement dépourvue de principes ! avait lâché Bambridge, avant d’insister lourdement sur le fait que Laura n’avait même pas eu l’élégance d’assister aux funérailles de sa mère.
    Un malheur n’arrivant jamais seul, au moment où il quittait ce presbytère dans lequel il n’avait désormais plus rien à faire, La Pierre de Lune avait à peine parcouru quelques mètres qu’il avait entendu prononcer son nom par des policiers qui

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