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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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barraient la rue et contrôlaient tous les passants. Tout le quartier du Panier Jaune avait été bouclé par les impériaux. Parmi eux, il avait reconnu sans peine le flic au brassard rouge qui était allé le quérir chez sa grand-mère. De peur d’être fait aux pattes, il était entré in extremis et le cœur battant à rompre dans la première gargote venue et y avait commandé une soupe. Pour quelle raison, alors qu’il n’était même pas bouddhiste, s’était-il mis à implorer le Bouddha, persuadé que seul le Bienheureux Siddhârta Gautama pouvait le tirer de ce très mauvais pas, il était bien incapable de le dire… Cette invocation lui était venue instinctivement, comme le dernier recours possible. Le Bienheureux était connu comme l’avocat des causes impossibles, celui vers lequel on se tournait quand tout était perdu.
    La suite allait montrer qu’il avait fait le bon choix. Alors que le sbire au brassard rouge faisait les cent pas de l’autre côté de la rue, une charrette débordante de fagots de canne à sucre tirée par un buffle avait été bloquée juste devant la gargote par la foule de plus en plus dense qui faisait la queue devant le barrage des policiers. La Pierre de Lune avait fébrilement extirpé de sa poche un liang de bronze et, d’un geste, avait supplié son conducteur, un homme au crâne totalement rasé qui trônait fièrement sur son chargement, de le laisser se glisser sous ses cannes. L’homme en question, dont le regard rayonnait de bonté, avait catégoriquement refusé l’argent tout en lui chuchotant :
    —  Tu as besoin de te cacher   ?
    —  Si tu m’aides à sortir du quartier, tu auras sauvé la vie à un innocent… Combien veux-tu   ?
    —  Moi, rien ! Ce que tu comptais me donner, tu l’offriras à la pagode !
    La Pierre de Lune s’était allongé entre les cannes à sucre et, lorsque la carriole était passée devant le barrage de police, le flic au brassard rouge n’y avait vu que du feu. Un quart d’heure plus tard, tout danger était écarté et le fils caché de Daoguang avait pu s’extirper de sa cache. Les fibres des cannes lui ayant profondément déchiré les chairs, le cultivateur avait sorti de sa poche un onguent qu’il avait passé sur ses jambes meurtries.
    —  Je ne sais comment te remercier, avait-il lancé, éperdu de reconnaissance, à son sauveur.
    —  Il n’y a pas de quoi !
    —  Quel est ton nom   ?
    —  Noblesse de la Vérité.
    —  C’est un nom bouddhiste.
    —  Je suis effectivement un adepte du Bienheureux Bouddha. Comme toi, n’est-ce pas   ?
    À cette question, qui ressemblait fort à une invite, La Pierre de Lune, tout songeur, avait répondu :
    —  Je ne sais pas… Cela se pourrait bien… avait-il murmuré, en même temps que le souvenir de son premier contact avec une pagode lui revenait à la mémoire.
    C’était le jour de l’an. Il était environ dix heures du soir et les festivités battaient leur plein, transformant Canton en ruche bourdonnante illuminée par des milliers de lanternes. Les mendiants eux-mêmes, auxquels les gens donnaient un peu de nourriture parce que c’était censé, ce jour-là, porter chance pour le reste de l’année, avaient troqué leurs plaintes et leurs postures habituelles pour des sourires un peu niais. Tandis qu’il se promenait avec son père dans Old China Street, une très forte explosion avait retenti, qui l’avait violemment projeté dans les airs. Dans la rue noire de monde, des garnements lançaient des pétards dans les jambes des passants. Lorsqu’il avait repris ses esprits, son père était penché au-dessus de lui et lui parlait mais il n’entendait rien. Plus aucun son ne pénétrait dans ses oreilles alors que Bouquet de Poils Céleste vociférait après une meute de gamins qui s’était éparpillée comme une nuée de moineaux. Croyant qu’il était devenu sourd, La Pierre de Lune, terrorisé, s’était mis à hurler :
    —  Mes oreilles sont mortes !
    Après l’avoir serré dans ses bras, tandis que les grappes d’explosions et les chapelets d’éclairs déchiraient l’atmosphère, son père l’avait porté jusqu’à un petit temple lamaïste qui était situé quelques rues plus loin. Sur le seuil les attendait un vieux « Bonnet Rouge {21} » au visage buriné et diaphane.
    —  Bienvenue au temple des Lamas, ô illustres visiteurs ! s’était écrié le vieillard dont la voix ferme contrastait avec les lèvres

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