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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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renaît toujours après les neiges de l’hiver… avait murmuré, d’une voix douce et égale, le Supérieur dont les paroles réconfortantes avaient revivifié son visiteur pour lequel cette halte au monastère tombait à pic.
     
    Il posa son petit balai. Les oiseaux, apeurés, s’étaient à présent réfugiés sur les branches des arbres et ne risquaient plus de toucher aux fruits et aux légumes.
    Le grain de pollen touche sa cible dès lors que le vent est favorable.
    Cette belle maxime d’espoir et de sagesse de Zhuangzi, que son père lui avait fait écrire le jour de ses six ans, lui était toujours d’un grand réconfort lorsque, plus jeune, il peinait à recopier un caractère particulièrement difficile, ou qu’il n’arrivait pas à atteindre sa cible au tir à l’arc.
    Le grain de pollen touche sa cible dès lors que le vent est favorable.
    Sa cible à lui, où était-elle   ? Dans une vie désormais consacrée au Bouddha ou bien dans une vie où il aurait retrouvé Laura, à laquelle il ne cessait de penser et dont il n’arrivait pas à se détacher   ? Bien incapable de dire à quoi ressemblerait son destin, il regarda le soleil couchant qui, en diffusant depuis l’horizon les dernières bouffées de son encens de lumière, faisait rougeoyer les briques blondes de la Grande Pagode.
    L’astre du jour venait de tomber derrière la ligne d’horizon pour laisser place à cet entre-deux bleuâtre qui durait moins d’un quart d’heure à la saison d’automne lorsque les premiers moinillons vinrent ramasser les tombereaux d’offrandes dispersées par les fidèles le long du corps lascif de l’immense bouddha couché. Âgés de treize à seize ans, ils étaient tous issus de milieux très pauvres et avaient été confiés au monastère parce que leurs familles étaient incapables de les nourrir. Le fils caché de Daoguang aimait la compagnie de ces jeunes garçons qui étudiaient les sutras {25} du Bouddha près de dix heures par jour et offraient perpétuellement aux autres leur joie communicative.
    —  La Pierre de Lune, tu as été magistral : les oiseaux semblent n’avoir rien mangé du tout alors que d’ordinaire ils se remplissent le ventre ! s’écria l’un d’eux en battant des mains.
    —  J’ai fait de mon mieux mais sans leur faire de mal, répondit le calligraphe en levant son balai.
    Les novices entassèrent les bananes, les oranges et les feuilles de bananier remplies de riz gluant dans d’immenses paniers afin d’en distribuer une partie aux indigents qui se pressaient déjà aux portes du temple. Chaque soir, l’opération de répartition était supervisée par Illumination Subite en personne.
    Devant les bassines ce soir-là bien plus remplies qu’à l’ordinaire d’offrandes comestibles, le Supérieur, ravi, s’écria :
    —  Demain, les moines ascètes seront dispensés de cage… Nous avons recueilli en une seule journée l’équivalent de trois jours d’offrandes.
    Habitués, tels des fakirs, à tordre leurs membres pour faire rentrer leurs maigres carcasses dans les boîtes où un petit enfant pouvait à peine tenir, les huit bonzes squelettiques que le Père Supérieur faisait suspendre tous les matins au plafond de la salle de l’Enfer se prosternèrent, parfaitement indifférents à la nouvelle. La Pierre de Lune frissonna en pensant à ces fakirs indiens comme on en voyait de temps à autre dans les rues de Canton et qui prétendaient ne dormir correctement que sur leur planche à clous…
    Le partage effectué, le Supérieur se tourna vers La Pierre de Lune.
    —  Viens dans mon bureau, j’ai quelque chose d’important à te dire.
    Le Supérieur, après s’être installé dans la position du lotus, darda ses yeux dans ceux du jeune calligraphe et s’adressa à lui en ces termes :
    —  Le Maître des Etudes m’a fait part de tes pas de géant dans la compréhension des Nobles Vérités du Bienheureux. J’ai décidé d’écourter la période de ton noviciat. Demain, tu pourras prononcer tes vœux. Je t’ai choisi un nom de moine : désormais, tu t’appelleras Compassion Extrême !
    Brusquement confronté à cette échéance, La Pierre de Lune, qui était loin de s’attendre à une telle annonce, fut soudain en proie au vertige, tel le montagnard découvrant le précipice. Il ne se sentait pas disposé à se priver définitivement de toute chance de retrouver sa femme et leur enfant. L’espoir que Laura l’attendait quelque

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