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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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part ne s’était jamais vraiment évanoui car la montagne et l’eau , ainsi que l’avait encore écrit Zhuangzi {26} , finissent toujours par se rencontrer. Peu importait, entre Laura et lui, de savoir qui était l’eau et qui était la montagne.
    —  En suis-je vraiment digne   ? bredouilla-t-il, bien décidé à gagner du temps.
    —  Tu es un novice exceptionnel… Tu as fais en deux mois ce que les autres mettent un an à accomplir… Le Bienheureux sera ravi de te compter parmi ses disciples.
    Quelle que soit la longueur du fleuve, il termine toujours sa course dans la mer…
    La Pierre de Lune psalmodiait ces mots à voix basse.
    Quelle que soit la longueur du fleuve…
    Il vit soudain la silhouette de Laura. Son ventre était de plus en plus arrondi. Depuis son arrivée au monastère, chaque fois qu’il disait cet autre aphorisme de Zhuangzi, sa femme lui apparaissait. Calme et souriante, elle lui tendait la main comme si de rien n’était, prête à partir avec lui au bout du monde, au pays des gens heureux… Ce n’était guère le moment de tout compromettre.
    —  Je ne me sens pas prêt… Je n’arrive toujours pas à comprendre certains passages du sutra du Lotus… lâcha-t-il d’un air buté.
    —  Tu es le premier novice que je connaisse à souhaiter différer la date de ses vœux. D’ordinaire, c’est l’inverse : il m’arrive souvent de retarder le serment de ceux qui souhaitent entrer dans la communauté alors qu’ils n’en sont pas encore dignes, déclara, fort désappointé, Illumination Subite qui se mit à tripoter nerveusement son mâla.
    —  Dès que je m’en sentirai digne, je viendrai vous en faire part, ô vénérable ! s’écria alors La Pierre de Lune, croyant que sa modestie serait comprise par le Supérieur.
    Que n’avait-il pas dit ! À peine avait-il achevé sa phrase que ce dernier, agacé, murmura entre ses dents :
    —  Ici, ce ne sont pas les novices qui décident s’ils sont dignes ou non de devenir des moines ! C’est à moi –   et à moi seul !  – qu’il revient d’exercer cette prérogative !
    —  Je ne voulais pas offenser la règle. Mon ignorance plaide en faveur des propos qui vous ont offensé… Je ne suis pas encore prêt.
     
    Lorsqu’il quitta le bureau du Supérieur, soulagé d’avoir osé lui résister et conscient qu’il ne ferait pas de vieux os à la Grande Pagode, le jeune calligraphe comprit que si l’espoir lui était revenu, c’est qu’il avait commencé à se reconstruire.
    Et cette renaissance, il la devait au Bienheureux Bouddha dont il ne louerait jamais assez l’infinie bonté et dans lequel il avait désormais foi.

 
    45
     
    Shanghai, 18 décembre 1847
     
    Le navire était pile à l’heure ! Tandis que l’immense carcasse de bois et de fer du Puissant glissait vers le quai pour accoster, l’angoisse qui étreignait Antoine Vuibert depuis son réveil se dissipait. La pluie fine et tenace, coutumière de l’hiver shanghaien, empêchait de distinguer la rive opposée du Huangpu, et le navire en provenance de Hongkong avait brusquement surgi de ce brouillard grisâtre qui transformait le port en une lugubre zone fangeuse où pataugeaient quelques rares coolies trempés jusqu’aux os.
    Après ces mois de liberté totale au cours desquels Antoine avait pu aller où bon lui semblait, notre apprenti diplomate était sur des charbons ardents, anxieux de savoir à quoi pouvait bien ressembler Charles de Montigny, le nouveau consul de France à Shanghai, auquel il devrait désormais servir de coadjuteur. Serait-il tyrannique et gueulard, exigeant une obéissance corps et âme, ou bien courtois et laissant les rênes longues   ? Peut-être serait-ce tout simplement un homme tatillon et méfiant, de la race exécrable de ceux qui ne délèguent rien mais demandent tout, hypothèse qu’Antoine craignait par-dessus tout car ce sont là, hélas ! des chefs qui, n’en ayant pas le profil, sont à la fois insupportables et inefficaces…
    C’était un collaborateur loyal mais néanmoins peu enclin à la soumission et encore moins à la compromission qui s’apprêtait à accueillir le nouveau consul de France à Shanghai.
    Depuis son arrivée en Chine – où il avait l’impression d’être implanté depuis des siècles ! -, le cours de l’existence d’Antoine Vuibert s’était accéléré. Ses mésaventures avaient été autant d’épreuves qui lui avaient forgé le caractère. Nourri par

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