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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Kunming lui apparut enfin, blottie au cœur des sommets recouverts de neige qui barraient l’horizon et paraissaient se chevaucher les uns les autres à perte de vue comme dans les peintures anciennes. Son cœur se serra et il eut l’impression d’être redescendu sur terre après un long vol dans les nuages de la non-perception des choses. C’était la première fois qu’il levait réellement les yeux depuis son départ de Nankin. Jusque-là, il n’avait rien voulu voir et même les gorges inouïes où, parfois, des azalées en fleur allumaient d’étranges feux dans de vertigineux à-pic ne lui avaient fait ni chaud ni froid. Avec émotion, il contempla cette ville fortifiée par les Ming qui s’étaient réfugiés au Yunnan vers 1650 en espérant y établir une base de reconquête. Pour autant, ni les Han ni les Mandchous ne dominaient réellement la situation au Yunnan puisqu’ils y étaient cernés par les ethnies musulmanes Hui, et par les peuples montagnards Yi et Miao habitués depuis des millénaires à lutter contre le pouvoir central.
    Lorsque, avec le sentiment du devoir accompli et la satisfaction de celui qui touche enfin au but, Tang passa la porte principale de la cité rebelle, il fut surpris par l’extrême pauvreté qui y régnait. Les conditions de vie y étaient bien plus rustiques que dans l’ancienne capitale de la Chine. Faute de salle commune dans leurs galetas, beaucoup de familles en étaient réduites à cuisiner dans les rues où s’affairaient des femmes vêtues de grossières robes de coton, dont les enfants, pour la plupart fort chétifs et hâves, devaient à peine manger à leur faim…
    Avisant un homme basané qui venait de poser à terre les lourdes charges accrochées aux extrémités de son balancier, il lui demanda poliment où se trouvait la pagode de la Dévotion.
    —  Je n’ai jamais entendu parler d’une pagode ayant ce qualificatif ! lui rétorqua le noiraud d’un air méchant avant de tourner les talons.
    Il n’était manifestement pas bouddhiste, songea Tang, quelque peu décontenancé, en poursuivant sa route. Les passants dévisageaient ses vêtements puis son faciès comme s’il était une bête curieuse. Lorsqu’il faisait mine de s’approcher d’eux, apeurés, ils passaient tous leur chemin en baissant les yeux. En désespoir de cause, il fit signe à un marchand qui tenait en longe un chameau bactrien chargé de ballots de thé mais l’intéressé, qui devait le prendre pour un brigand, porta aussitôt sa main sur le manche du poignard passé à sa ceinture tout en donnant à son chameau un violent coup de fouet pour le faire bondir en avant. À Kunming, la méfiance était de mise envers les Han qui n’y étaient manifestement pas accueillis à bras ouverts…
    Après avoir erré pendant une bonne heure, il finit par tomber, à l’entrée d’un parc, sur un vieux mendiant édenté auquel il remit quelques piécettes.
    —  Sais-tu où se trouve la pagode de la Dévotion   ?
    —  Je connais une église {32} qui porte ce nom ! Quand je n’ai plus rien à manger, je m’y rends et on me donne un bol de soupe !
    —  Qu’appelles-tu église   ? lui demanda Tang, dont le sang n’avait fait qu’un tour, bien qu’il ignorât la signification de ce terme.
    —  Une église est un temple où les dévots vénèrent un Dieu qu’ils disent unique et supérieur à tous les autres dieux…
    —  Où se trouve-t-elle, ton « église »   ? s’enquit le fils de Prospérité Singulière, qui n’avait jamais entendu parler de ce Dieu unique.
    —  Prends jusqu’au bout la deuxième rue sur la gauche et tu la reconnaîtras de loin, à sa façade surmontée par un clocher…
    Intrigué, l’amant de Jasmin Éthéré se dirigea vers cette drôle de pagode qui ne ressemblait à aucune autre. Sur son clocher, une petite tour riquiqui comparée à celles des pagodes bouddhiques, il aperçut le même trait vertical barré d’un trait horizontal qui était gravé sur la monnaie donnée par son père avant sa mort. De plus en plus perplexe, il pénétra dans l’« église » et constata qu’à l’intérieur, il n’y avait nulle trace de statues ou de peintures du Bouddha, pas plus que de ses bodhisattvas. Au fond de ce qui n’était qu’une banale salle rectangulaire dépourvue de tout ornement, un gros livre était posé sur une table de bois flanquée de deux cierges allumés. Juste à côté du livre en question, un homme

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