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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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la tour du Temple (69) , à l’issue duquel vous deviendrez victime en lieu et place de votre clientèle. Est-ce plus clair, à présent ?
    Louis, dont le visage était imperturbable, ne quittait toujours pas le roi des yeux. Pendant ce temps, un jeune homme richement vêtu se coula dans l’assistance. Louis l’aperçut du coin de l’œil et lui trouva une allure vaguement familière. Ce nouvel arrivant le scrutait avec un intérêt manifeste, tandis que ses voisins lui témoignaient d’infinies marques de politesse.
    Louis se concentra à nouveau sur l’entretien et répondit au roi :
    — Ça l’est, sire. Mais j’ai moi aussi une question.
    — Dites toujours.
    — J’ai déjà fait preuve de loyauté à votre égard. Alors, pourquoi ces menaces ?
    La reine Jeanne étouffa un cri indigné, et des murmures dérangèrent l’atmosphère feutrée de la salle. Charles éleva brièvement sa grosse main pour réclamer le silence avant de la laisser retomber mollement sur son abdomen.
    — Je vous en prie, aimables conseillers. Cet homme est reconnu pour son franc-parler, ce qu’appréciait beaucoup le roi de Navarre. Néanmoins, il dit vrai.
    S’adressant à nouveau à Louis, il poursuivit :
    — Ne me tenez pas rigueur si, parmi les goupils, je me dois de penser comme un goupil. Mon père fut, souventes fois et pour notre malheur, odieusement trompé par des gens fourbes. Il est de mon devoir d’éviter ce genre de bévues. Le flamboyant courage des prud’hommes doit désormais céder sa place au réalisme cru de ce siècle fait de ruse, d’obstination… et de violence qui est, malheureusement, trop fréquemment indispensable.
    Il regarda Louis un moment sans rien dire et reprit :
    — On m’a bien fait l’éloge de votre rectitude, et je conçois que mon beau-frère, à qui cette vertu fait hélas défaut, ait pu l’admirer chez vous. Cela dit, je tiens quand même de source sûre certaines choses sur votre compte qui me portent à la prudence.
    — Quelle source ?
    Après un nouvel accès de chahut et de protestations marmonnées dont Charles eut la patience d’attendre la fin, Louis reçut comme réponse :
    — Que vous importe puisque, malgré le dégoût que pourrait susciter cette remarque, cela me paraît indiquer entre nous une certaine connivence. Nous démontrons tous deux une froideur implacable dans l’application de la loi. Vous êtes un roc. Et c’est d’hommes tels que vous dont j’ai le plus besoin pour régner, pour m’aider à rendre jugement avec une sagesse neutre. Car là où doit régner la loi pour le bien du royaume, le bien et le mal doivent nous être indifférents.
    Louis prit pleinement conscience que ce roi égrotant* pouvait se montrer aussi ferme d’esprit qu’il était faible de corps. Cependant, il lui était impossible de ne pas voir comment il pouvait être capable de se montrer aussi vicieux, retors et mesquin que son beau-frère. Il ne fallait pas oublier que cet homme, que l’on appelait le Sage, avait jadis comploté contre son propre père. Il était maintenant en train de faire main basse sur les domaines navarrais en Normandie d’une manière ignoble, en salissant la réputation de son adversaire. Mais Louis ne se trouvait pas dans la position d’argumenter là-dessus.
    — Vous pouvez vous retirer dans vos quartiers, lui ordonna soudain le roi. Des instructions vous seront communiquées plus tard quant à ce qu’il conviendra de faire avec votre client.
    Le bourreau mit quelques secondes avant de réagir et de s’incliner, après ce congé subit. Alors qu’il reculait poliment, une voix derrière clama :
    — Je souhaite assister à l’interrogatoire du suspect en compagnie du Conseil.
    Cette fois, il ne fut plus question de faire taire l’assemblée.
    — Mais ce sera horrible à voir, dit l’homme à gauche de celui qui avait parlé.
    — Moi, j’essaie toujours de m’arranger pour me soustraire à ce genre d’obligations. Mais il est des fois où j’y suis contraint, tout comme un certain nombre d’entre nous, d’ailleurs.
    Louis se retourna et vit que celui qui avait réclamé le droit de descendre au donjon était le jeune homme richement vêtu. Une détermination farouche était lisible sur ses traits. Il ne quittait pas des yeux l’effrayant personnage qu’était le bourreau, celui qui n’avait encore infligé aucune souffrance et qui, déjà, inspirait l’horreur. Lui seul demeurait imperturbable. La voix

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