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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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rentrait et enlevait son vieux pourpoint raccommodé.
    — Le feu est bien pris dans l’abri forestier du vieux Morel. Tout flambe, il n’y a plus rien à faire, annonça-t-il.
    Le serviteur prit place aux côtés de Louis qui fixait la table droit devant lui. Le maître demanda, d’une voix blanche :
    — Est-ce que le vieux s’en est sorti ?
    — De justesse. Mais ils l’ont emmené.
    — Je suppose qu’il a clamé haut et fort son allégeance au « vrai Capet », Charles de Navarre, dit Toinot.
    — Eh oui. Tu le connais, c’est un partisan indécrottable, même s’il ne sait pas de quoi il parle.
    — Combien sont-ils ? demanda Louis.
    — D’après des témoins qui étaient aux champs, une douzaine seulement, mais ce ne sont pas des bidaus*. Ils sont très bien armés. Quatre d’entre eux sont à cheval. Des bêtes étiques, il faut dire.
    Louis réfléchit en pianotant sur la table. Tous les regards, surtout celui de Jehanne, étaient braqués sur lui. Enfin il dit :
    — Son refuge est assez loin d’ici. Il nous reste du temps.
    Il leva les yeux sur les domestiques et ordonna :
    — Mais nous n’en avons pas à perdre. Au travail, vous autres. Préparez vos affaires. N’emportez avec vous que le strict nécessaire. Vous allez vous rendre à ma maison de Caen et m’y attendre.
    Tous acquiescèrent en silence et se dispersèrent pour se mettre à l’ouvrage. La pièce se vida. Seuls restèrent avec lui Lionel, Jehanne et Adam. L’enfant avait attrapé par la queue un chiot quémandeur. La petite bête avait passé le déjeuner à tourner autour de la table. Elle couina et se tortilla sous l’étreinte maladroite de l’enfant qui se laissa lécher le visage en riant. Jehanne remplaça Thierry auprès de Louis et demanda, avec inquiétude :
    — Louis, est-ce… lui ?
    — Si cela est, nous ne tarderons pas à le savoir.
    Le pays tout entier était parcouru par ces détachements armés difficiles à contrôler qui veillaient à démanteler les forteresses navarraises. Les abus comme ce qui était survenu chez le vieux Morel étaient, hélas, inévitables.
    — Il se peut fort bien qu’Aitken ait profité de la situation pour convaincre un groupe que je ne suis pas fiable, dit Louis. Mais je n’attendrai pas leur arrivée pour prendre les précautions qui s’imposent.
    — Je suis désolée, désolée…
    — Vous n’avez pas à l’être, puisque vous lui avez clairement répondu que vous refusiez sa proposition d’annuler notre mariage et de partir avec lui. Je me doutais bien qu’il allait quand même tenter le coup et je m’y suis préparé. Maintenant, écoutez-moi bien : vous allez suivre les autres et emmener Adam. J’irai vous rejoindre dès que je le pourrai. Il faut que je reste avec les villageois.
    — Bien sûr. Je comprends…
    Elle se leva et le serra dans ses bras.
    — … mais oh, Louis, soyez prudent !
    Il lui donna quelques petites tapes rassurantes dans le dos, en marmonnant :
    — Ne vous inquiétez pas. Ils ne peuvent rien faire contre nous puisque nous appartenons déjà au roi de France. Tout ira bien…
    Après avoir obligé Jehanne à desserrer son étreinte, il se leva et mit de l’eau à bouillir. Lionel se retourna et le regarda faire.
    — Jehanne, veuillez apporter de quoi écrire, dit Louis.
    Elle se leva avec une certaine velléité de résistance. Il insista :
    — Si, si, allez-y. J’ai moi aussi une réponse à lui envoyer. Père, avant que vous ne vous avisiez de me poser la question, laissez-moi vous préciser que j’ai bien réfléchi à tout ce que je m’apprête à faire. Plus exactement depuis mon long séjour à Paris. Bien. Quant à vous…
    Il alla se poster derrière la chaise de Jehanne et dit :
    — Écrivez. Dites-lui que l’enfant a un père. Dites-lui qu’il ne l’aura plus s’il ne renonce pas à ses projets.
    — Quoi ? dit Jehanne.
    — Écrivez.
    — Mais c’est jeter de l’huile sur le feu, intervint Lionel.
    — J’en doute. Il sait déjà tout. J’ignore comment, mais il le sait. Sinon il n’insisterait pas ainsi.
    Il se leva à son tour et contourna Adam qui riait encore pour aller à la chambre. Il en revint peu après avec une sorte de stylet grossier taillé dans un os, un petit récipient, de même qu’une minuscule fiole et un sachet d’herbes finement hachées qu’il mit à infuser dans un gobelet d’eau chaude. Lionel devint livide.
    — À quoi pensez-vous au juste,

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