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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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se demander qui, dans son esprit fiévreux, était le serpent qui avait happé Eurydice. Il trouva étrange que le tout petit bruit des sanglots de Jehanne parvînt à lui seul à couvrir la rumeur grandissante de la salle ainsi que la voix imperturbable du juge qui achevait la lecture de son jugement :
    — … sois ensuite sur cette claie conduit au lieu d’exécution sis en place Saint-Sauveur et, sur un échafaud dressé dans ce but, que ton cœur indigne de battre te soit arraché de la poitrine et que tu sois laissé, mort, à la vue de la bonne gent de Caen qui en tirera leçon ; qu’enfin, à ton trépas, ta tête soit par la hache séparée de ton corps pour que le Roi en dispose à sa guise. Et que le Seigneur, dans son infinie miséricorde, ait pitié de ton âme.
    Les sanglots de Jehanne furent brusquement remplacés par un bruit de chute. Tremblant, Sam vit que la jeune femme s’était écroulée entre deux rangées de bancs qu’elle avait bousculés. Des gens s’accroupirent afin de lui venir en aide, et Louis s’avança dans leur direction en claudiquant plus qu’à son arrivée.
    Le magistrat repoussa avec impatience son pourpoint d’apparat et rejoignit Louis qu’il prit à part, tandis que d’autres s’occupaient de sa femme. Il lui demanda avec inquiétude :
    — Ça ira ?
    — Ouais. Je prendrai un assistant pour la hache. Le reste ne sera pas trop exigeant pour moi.
    Le juge opina en serrant les lèvres. Il était bien placé pour savoir que le bourreau était déjà parvenu à tenir un client vivant et conscient un long moment après l’avoir éviscéré.
    Louis ajouta :
    — Je puis vous assurer qu’il vivra pour expier jusqu’à ce qu’il ait le cœur en moins.
    Il se retourna. Le juge ne put voir son visage changer. « Il ne faut pas que j’y pense », se dit-il, s’obligeant à chasser de sa mémoire l’image du cœur de Firmin. Les chuchotements furtifs cessèrent brusquement et les nombreux regards en coin qu’il sentait dans son dos se hâtèrent de changer de cible. Un seul homme fut assez brave pour venir lui dire en face ce que la plupart semblaient penser tout bas :
    — Espèce de sicaire*. Vous la tenez bien, votre vengeance, hein ? Non, mais comment peut-on avoir l’âme assez noire pour ne pas, au minimum, déléguer à un autre pareille horreur ?
    — Quelle bonne idée. Nommez-moi donc quelqu’un qui veuille s’en charger, ou même seulement le débiter en morceaux une fois qu’il sera mort. Parlez, je suis tout ouïe.
    Cela coupa court à la discussion. Pendant ce temps, on raccompagnait Sam à la porte pour le mener à un autre lieu de détention sis rue de Geôle. Le garde qui marchait derrière lui tenait à la main une lourde hache dont le fer était dirigé vers le condamné, afin de le montrer brièvement au public qui s’était assemblé à l’extérieur et qui n’avait pu assister au procès hâtif ; ce geste leur permit de savoir quel verdict venait d’être rendu.
    Louis prit appui sur les épaules de la première personne qui se trouva à sa portée avant de tendre la main pour arrêter les gardes. Il regarda fixement l’Écossais, comme s’il cherchait à lui dire quelque chose. Il ne trouva rien. Sam prit les devants :
    — Bien manœuvré, Baillehache. Après m’avoir arraché à celle que j’aimais, tu m’as pris mon fils. Il ne me restait plus que la vie. Voilà que ça aussi tu t’apprêtes à me l’enlever. Oui, c’est une bien belle revanche. Mais laisse-moi te dire une chose : ce que tu vas m’arracher du corps dans quelques heures, ce n’est pas à moi que ça appartient.
    — Allez, marche, insolent, dit l’un des gardes.
    Ils entraînèrent Sam avec eux dans un humiliant cliquetis de chaînes. Louis ne se détourna d’eux qu’une fois qu’ils furent dehors et qu’ils eurent pris la direction des cachots.
    À la maisonnette rouge, la porte défendue de la grange se referma et Louis poussa doucement Adam devant lui.
    — Je ne veux plus te voir là-dedans. Un accident est trop vite arrivé, lui dit-il, soulagé que l’enfant n’ait pas été en mesure de comprendre l’usage de la plupart des instruments qui s’y trouvaient.
    Le petit, heureux de voir son père, ne cessait de se retourner vers lui pour le regarder tandis qu’ils traversaient tous deux le jardinet flétri pour se rendre à la maison.
    — Mais je suis prudent, vous savez. Parce que, si on se fait casser la colonne

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