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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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pleine, dit Margot. Vous savez que je ne peux endurer cela, de pareilles manières.
    Astucieuse, Jehanne déglutit et demanda à Louis, comme si de rien n’était :
    — Avez-vous pensé à un nom pour le bébé ?
    Le bol d’hypocras* que Louis tenait s’immobilisa près de ses lèvres. Il le reposa et tourna la tête afin de jeter un coup d’œil autour de lui. Margot et Blandine, bien entendu, ne soupçonnaient aucunement ce qui pouvait se cacher derrière cette question posée au moment le plus opportun – car elle le prenait par surprise. Voilà qui était très habile de sa part, car, en tant que futur père, Louis devait normalement y avoir pensé autant qu’elle. Quant à Lionel, il se contentait d’afficher avec affectation un semblant de dignité, une expression qui lui convenait d’ailleurs tout à fait.
    — Ne cherchez plus, Louis, dit Jehanne, souriante.
    — Avez-vous cherché, Louis ? demanda Lionel.
    Les yeux du colosse retinrent un éclair. Jehanne dit :
    — Laissez, mon père. Ce n’est plus la peine… Louis, j’ai besoin de votre avis.
    — Plus tard.
    — Mais je…
    — Non. J’ai dit : plus tard.
    Le ton de Louis était catégorique. Margot, qui se méprenait sur la véritable raison de cette réticence, approuva :
    — Il a raison, ma tourterelle. Inutile de tenter le sort à parler ainsi de la naissance avant que ce soit chose faite.
    Lionel se leva et porta solennellement la santé à Jehanne. Nul autre qu’elle ne pouvait soupçonner toute la sincérité qui se cachait derrière ce vœu. Il priait jour et nuit pour la sauvegarde de Jehanne et s’en voulait d’en oublier presque celle de l’enfant. Margot et Blandine portèrent elles aussi la santé à la future mère, ce qui contraignit Louis à les imiter afin de ne pas éveiller de soupçons.
    L’aumônier dit, avec ferveur :
    — Maintenant, l’héritier peut naître.

Chapitre V
Ausculta, fili (53)
    (Écoute, mon fils)
    Hiscoutine, vigile pascale 1372 (samedi 27 mars)
    Un oiseau fut dérangé dans le sommeil agité de l’aube et ne se rendormit plus.
    Le travail durait depuis presque vingt-quatre heures. Toute la nuit, Margot et Blandine s’étaient relayées, infatigables, au chevet de la parturiente.
    Les hommes, quant à eux, restaient groupés autour de Lionel dans la grande pièce. Ils priaient avec lui devant un petit sanctuaire improvisé fait d’un crucifix et de deux cierges posés sur un coffre recouvert d’un drap propre. Seul Louis n’était pas capable de tenir en place. Nul ne l’avait jamais vu si désemparé. Il ne cessait de tourner furieusement en rond. Les patins de la berceuse de Jehanne émettaient un craquement rythmique comme le pouls d’une personne au repos. Chaque fois qu’il passait à côté, sa main lui donnait une petite tape nerveuse qui la faisait reprendre son bercement solitaire. Hagard, échevelé et les joues barbouillées de barbe, il se pétrifiait au moindre cri qui leur parvenait de la chambre dont la porte était close.
    — Tout suit son cours normal, maître. Calmez-vous, répétait parfois une voix charitable que Louis n’entendait pas.
    L’aumônier s’approcha de lui et le prit par le bras.
    — Venez. Venez prier avec moi, mon fils.
    Pris par surprise, Louis obéit. Il s’agenouilla avec une certaine docilité, si l’on ne tenait pas compte du fait qu’il bondissait à chaque cri.
    — Disons le Pater Noster ensemble, maître. D’accord ? Notre Père, qui êtes aux cieux…
    Le regard fixe, Louis remua les lèvres en silence.
    — Je ne sais plus les mots, finit-il par admettre d’une voix sans timbre.
    Lionel l’aida :
    — Que Votre règne arrive, que Votre volonté…
    — … aux offenses de la tentation, compléta Louis.
    Lionel renonça à essayer de le faire prier.
    — C’est long, trop long, dit-il en se remettant sur pied et en frappant la table du poing.
    — Ne faites pas tant de bruit. Vous l’inquiétez, dit Hubert.
    Louis finit par se laisser choir dans son fauteuil jusqu’à ce qu’il fît assez clair pour que l’on parvînt à l’occuper avec quelques menus travaux dans la cour.
    Peu après l’aurore, Margot, qui faisait office de dame accoucheuse, examina une nouvelle fois la jeune femme. Elle se mordit les lèvres et fit un signe de dénégation.
    — Ça n’avance plus. Il va falloir qu’on vous fasse marcher un peu, ça devrait vous faire du bien.
    — Non. Pas tout de suite… trop fatiguée, dit

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