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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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coudées, il estima qu’il avancerait plus vite à pied. Il descendit de cheval à l’endroit où la sente s’élargissait un peu, attacha l’animal à un arbre et poursuivit son chemin. Pour avoir vécu dans la forêt une partie de son enfance, il s’y sentait parfaitement à l’aise. Il marchait d’un pas souple et sûr, écoutant les bruits nocturnes qui troublaient le silence : les ululements des oiseaux de nuit, le chant plaintif de la chouette, le coassement des grenouilles et mille autres murmures, bourdonnements, frémissements. En levant la tête, il pouvait distinguer la lune voguant au-dessus des cimes des arbres qui se découpaient sur le ciel assombri.
    Le sentier finit par déboucher sur une clairière. La lumière pâle de la lune baignait une maison de bois au toit à double pente. Elle était flanquée d’un perron bas surmonté d’un auvent dont l’ombre cachait la porte d’entrée. Deux fenêtres, l’une très lumineuse, l’autre plongée dans le noir, devaient correspondre à deux pièces séparées. À l’évidence, l’assassin se croyait en sécurité, car les solides volets étaient grands ouverts. Philippos atteignit la maison en quelques enjambées, se plaqua contre le mur et avança vers la fenêtre éclairée. Il connaissait l’identité de l’assassin et se doutait bien de ce qui se passait à l’intérieur. Il espérait seulement qu’il n’était pas arrivé trop tard pour sauver Vesna !
    Ce fut la jeune femme qu’il aperçut en premier. Vêtue d’une robe rouge rebrodée d’argent, elle était assise sur un tapis de laine au fond de la pièce. Elle se tenait immobile et avait une expression étrangement absente, comme hébétée ; sans doute avait-elle été droguée, pensa le garçon. À côté d’elle, une table basse supportait un chandelier garni de bougies qui éclairaient un plateau chargé de fruits, un pichet en terre cuite et deux coupes à moitié pleines. Philippos grimpa sur le rebord de la fenêtre et embrassa du regard la pièce spacieuse dont l’intérieur n’évoquait en rien un pavillon de chasse : un haut candélabre en cuivre ouvragé illuminait le plancher bien ciré, les murs ornés de tentures aux couleurs vives, des mets froids disposés à même le sol, et, dans l’angle, un grand lit à baldaquin.
    Philippos ne put réprimer un frisson en fixant celui qui avait plusieurs morts sur la conscience et qui s’apprêtait à ajouter Vesna à la liste de ses victimes. Il se tenait debout au milieu de la pièce, les yeux rivés sur la jeune femme.
    — Comme tu es belle, ma mie ! susurra Igor. Combien de fois ai-je admiré ce cou de cygne, ces épaules et cette gorge d’albâtre taillées comme celles d’Aphrodite. Il me tarde de contempler ces formes enchanteresses dans leur divine nudité !
    Le garçon songea qu’il n’avait rien vu de plus hideux que ce visage enflammé de la plus brutale concupiscence et ce regard lascif qui semblait se coller à la peau de Vesna. Igor n’était vêtu que d’une paire de chausses foncées, sa puissante poitrine couverte d’une toison châtain doré, de la même teinte que sa chevelure. Sa tunique de lin, son caftan en soie mordorée, sa cape bleu nuit et ses bottes de cavalier étaient négligemment posés sur une fourrure étalée sur le sol près de la porte d’entrée.
    — Mais d’abord, poursuivit-il, laisse-moi te parfumer : quelques gouttes dans tes cheveux, au creux de ton cou… Puis nous goûterons ensemble cette liqueur magique. Tu verras, elle est aussi ensorcelante qu’un philtre d’amour ! Tu sentiras le désir monter et se répandre en toi comme un feu liquide.
    Tout en parlant, il s’éloigna vers la porte, se pencha et tendit la main pour ramasser son caftan.
    Au même instant, Philippos pénétra d’un bond dans la pièce, l’épée au poing, et s’élança vers Igor. Celui-ci leva les bras d’un geste instinctif, les yeux écarquillés de stupeur. Philippos brandit son arme, puis esquissa un brusque mouvement de jambes : c’était le croche-pied redoutable que les Varlets lui avaient enseigné avec d’autres tours d’adresse. Igor perdit l’équilibre et s’effondra. Dirigeant son épée vers le cœur de son adversaire, Philippos s’écria d’une voix terrible, enrouée par la rage :
    — Pas un geste ! Ne bouge plus – ou je te cloue au sol comme un rat, comme la bête répugnante que tu es !
    Étalé à ses pieds, Igor le fixait d’un air ahuri.

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