Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
Vom Netzwerk:
connaît la chanson, grogna Artem dans sa moustache. Affaire classée, affaire bâclée. Continue !
    — Dans le premier cas, il s’agit d’un double meurtre commis il y a près de cinq étés, sur les personnes de deux filles de joie qui vivaient à l’extérieur de la ville, non loin de la porte sud. Ce crime relève de la section spéciale du Tribunal qui exerce sa juridiction sur les faubourgs de la capitale. Le fonctionnaire chargé de ce dossier s’en est débarrassé en griffonnant la mention usuelle : faute d’éléments indispensables à l’ouverture d’une enquête. Par chance, l’affaire a été laissée en suspens et le dossier rangé à part.
    — Dans une de ces énormes jarres de grès disposées au fond de la salle, derrière les coffres, précisa Philippos.
    — Exact, et il y a tant d’autres documents que nous aurions pu y demeurer pendant des jours. C’est grâce à la prodigieuse mémoire de Timofeï que nous avons trouvé quelques dépositions en rapport avec ce double assassinat. À l’époque, les sbires du Tribunal ont interrogé plusieurs ribaudes voisines des deux victimes. L’une d’elles avait découvert leurs corps : elles avaient eu la gorge tranchée et baignaient dans leur sang.
    — Quel âge avaient-elles ? voulut savoir Artem.
    — Entre quinze et dix-sept étés, impossible d’être plus précis. Elles partageaient une isba spacieuse et bien tenue, située à l’orée du bosquet qui longe la grand-route de Kiev. L’un des deux cadavres gisait au milieu de la pièce principale dite « chaude », l’autre dans la vaste entrée. Selon les témoins, la maison était meublée et arrangée avec confort, voire avec un certain luxe. Voilà un détail étonnant, compte tenu du voisinage !
    Artem revit en pensée la porte sud, une massive construction en madriers de chêne surmontée d’une tour de guet. De part et d’autre de l’enceinte s’étendait l’un des quartiers les plus troubles de la ville. Quantité de misérables masures formaient un dédale insalubre et dangereux. Une partie de ces bicoques avait été abandonnée, d’autres abritaient tripots clandestins, auberges borgnes et bordels camouflés en salles de jeu. À la tombée de la nuit, cette fourmilière s’animait, gagnée par une agitation louche. Des types à la mine patibulaire se glissaient le long des venelles malodorantes, accostés par les prostituées qui bravaient l’oukase de Vladimir interdisant de racoler dans la capitale et ses environs.
    — Ainsi, malgré cet entourage si peu reluisant, commenta Artem, les deux petites gueuses vivaient dans l’aisance et étaient en passe de devenir des courtisanes prospères. Elles avaient réussi à s’attacher les faveurs de quelque riche client. Je parie qu’il s’agissait du même homme !
    — L’employé du Tribunal a noté ce fait, confirma Vassili. Au moment du meurtre, les deux filles n’avaient qu’un seul client régulier.
    — C’est sûrement lui qui avait eu l’idée de les installer à l’orée du faubourg, un peu à l’écart de ce quartier infâme, avança Artem. Il pouvait ainsi éviter ces nids à rats, tout en passant inaperçu lorsqu’il se rendait chez ses petites protégées. Il assurait leur train de maison et devait faire partie de la bonne société de Tchernigov.
    — C’est bien ce que nous avons supposé, marmonna Mitko sans cesser de mâchouiller. Un bienfaiteur inconnu a changé leur vie – et puis un autre inconnu, malintentionné celui-là, est venu la leur ôter. Qui sait ? Peut-être que les deux quidams se connaissaient…
    — Encore des conclusions hâtives ! grinça Vassili. Ce qui est sûr, c’est que les deux victimes connaissaient leur meurtrier. Notre fonctionnaire a écrit : « La disposition des corps prouve qu’elles ne se méfiaient point de leur visiteur, qui les a assaillies par surprise. » Dans la suite de son rapport, il cesse d’exposer les faits pour échafauder des hypothèses de son cru. Selon lui, les deux filles n’avaient jamais rompu avec la pègre. Cet âne imagine l’assassin comme un homme de sac et de corde, et non comme un débauché appartenant à la caste des privilégiés !
    — Même dans ce cas, c’est un peu mince pour faire un rapprochement entre ce meurtre et celui d’Olga, commenta Philippos.
    — Patience ! fit Vassili. Notre expert des bas-fonds conclut donc à un règlement de comptes entre maquereaux et voyous, et il écrit :

Weitere Kostenlose Bücher