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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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d’ailleurs un nom, comment déjà… Une aryballe ! J’en avais plusieurs à l’époque. Potions balsamiques, lotions, élixirs… Comme tout cela me paraît loin !
    Elle demeura un moment silencieuse, le regard dans le vague. Puis son visage s’assombrit.
    — Cet objet évoque pour moi les plus noirs péchés, confia-t-elle d’un ton morose. C’est un instrument de tentation, un moyen de perdition d’autant plus efficace qu’il agit sur nos sens. Une invention de Satan !
    — Allons, ma mère, cette fiole est vide à présent, répliqua Philippos. Chacun pourra en faire ce qu’il voudra !
    — Alors, fais-en bon usage, mon enfant, mais n’oublie pas ce que je t’ai dit !
    L’abbesse tendit la main et fit un signe de croix pour bénir Philippos. Elle reprit sa place. Sœur Veronika s’installa à ses côtés et fit claquer les rênes. La carriole s’ébranla avec des tintements de grelots et s’éloigna. Philippos secoua la tête pour dissiper l’étrange impression que lui avait laissée cet incident. Il tâta ses poches pour s’assurer que l’aryballe et son cadeau pour Nadia s’y trouvaient toujours, puis il prit la direction du domaine de Grom.
    Quelques minutes après, il frappait au portail orné d’une corne d’abondance. Un vieux domestique le conduisit vers la table dressée à l’entrée du jardin, sous les acacias. Il arrivait trop tôt : le boyard et sa fille finissaient de déjeuner en compagnie de la blonde Marfa. Les serviteurs venaient d’emporter les reliefs du repas et revenaient maintenant avec des boissons fraîches et des plateaux chargés de petits gâteaux au pavot et au miel. Philippos alla s’incliner devant Grom, qui le salua d’un air bienveillant sans lui demander la raison de sa venue. Peu après, le marchand partit vaquer à ses occupations, laissant sa fille seule avec ses invités. Philippos put alors remettre à Nadia le dé à coudre en argent. La belle le remercia d’un sourire radieux. Les deux jouvencelles examinèrent longuement l’étrange objet provenant de Tsar-Gorod et qui, à n’en pas douter, ferait bientôt fureur parmi les jeunes femmes de Tchernigov. Puis Nadia empocha son cadeau et reprit sa conversation avec Marfa.
    Les deux amies parlaient à mots couverts. Elles pouffaient de rire sans raison apparente, échangeaient des coups d’œil et d’autres signes de connivence que Philippos était incapable de déchiffrer. À l’évidence, elles avaient un secret et nulle intention de le partager avec lui ! Il finit par se rendre compte qu’elles discutaient de l’amoureux de Marfa. Il s’efforça de deviner l’identité de l’homme : en vain ! Un nom lui trottait néanmoins dans la tête… Mais n’était-ce pas plutôt sa jalousie qui parlait en lui ? Il décida d’en avoir le cœur net. Profitant d’un bref silence, il déclara d’un air entendu :
    — Ton secret est en sécurité avec moi, belle Marfa ; mais crois-tu que les autres puissent l’ignorer longtemps ?
    Les deux jeunes filles échangèrent un regard perplexe. Puis Marfa eut un petit sourire.
    — Mon tendre ami est d’une discrétion à toute épreuve. Je suis assez contente de son comportement…
    — Et lui donc ! persifla Philippos. Toujours content de lui-même et de ses exploits, au point qu’on cite ses amours avant qu’il s’en vante ! On ne peut être discret de façon plus voyante !
    — Je doute que tu le connaisses, dit la jolie blonde avec une moue incrédule. Décris-le-moi, et je te dirai si tu as deviné juste.
    — Rien de plus facile ! Une belle tête marmoréenne sans une once de cervelle : c’est le portrait du sieur Kassian.
    Marfa éclata de rire en dissimulant sa bouche avec sa main potelée.
    — Tu t’es fourré le doigt dans l’œil ! À propos, mon bien-aimé n’a rien d’une statue inanimée, il est tout feu tout flamme !
    — Et d’ailleurs, qu’as-tu contre Kassian ? intervint Nadia. Ce n’est pas sa faute s’il plaît et qu’il aime plaire !
    — Si tu es amoureuse de lui, je te plains, car il s’aime d’un amour qui ne souffre aucun rival ! assena Philippos.
    — Et toi, tu supportes peut-être d’avoir des rivaux ? rétorqua Nadia. Tu es jaloux comme un pou ! Ah, vous êtes tous pareils !
    Philippos se taisait, humilié. À force d’essayer de percer les secrets des autres, il avait laissé entrevoir le sien ! Il feignit de s’absorber dans la dégustation de cerises à

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