Le Sang d’Aphrodite
préparation à base de romarin et de verveine complétée d’une note plus sensuelle, qui ressemblait vaguement à l’élixir qu’il avait cru reconnaître en embrassant la jeune fille. Il y avait comme un air de famille entre les deux parfums mais ce n’était pas le même.
— Satisfait ? lança Nadia en s’emparant du flacon. Je vais le rapporter à la maison. Tu es capable de le casser, rien que pour ma sécurité ! Tiens, tu es tout rouge… Tu ne devrais pas t’exciter comme ça par cette chaleur !
Avant de s’en aller, elle frappa dans ses mains et ordonna au domestique accouru de leur servir de l’hydromel frais. De fait, Philippos avait chaud et un peu honte, maintenant qu’il était sûr que ses sens lui avaient joué un tour. Il s’épongea le front avec sa manche et ôta son caftan qu’il jeta sur le banc. Dès que le domestique apporta une carafe d’hydromel tout juste monté de la cave, il saisit sa coupe et la vida en quelques longues gorgées avant de la remplir aussitôt.
Quand Nadia le rejoignit, elle lui prit la coupe des mains et but sans le quitter du regard. Puis elle l’entraîna dans le jardin, vers une tonnelle couverte de lierre et dissimulée à l’ombre de grands chênes. Ici, dans l’obscurité de leur refuge, Philippos s’enhardit jusqu’à étreindre Nadia. Goûtant l’odeur de sa peau, il lui murmurait des mots doux à l’oreille et couvrait de baisers son cou et sa gorge. Il ignorait combien de temps il était resté avec sa tendre amie, ivre d’amour et de joie. Il se souvenait qu’à un moment il avait perçu au loin la voix de la vieille nounou qui cherchait Nadia. Celle-ci s’était éclipsée pendant quelques minutes. Philippos était sur son nuage, quand elle réapparut pour prolonger leurs caresses… Enfin elle le repoussa doucement, lui disant qu’il était temps de se séparer. Ils quittèrent la tonnelle. Philippos prit Nadia par la taille et ils se dirigèrent lentement vers la sortie du jardin.
Ils venaient de franchir la haie lorsqu’ils aperçurent une petite silhouette furtive qui s’éloignait de la table en courant. Philippos s’élança à sa poursuite et rattrapa le fuyard au moment où il s’apprêtait à escalader la clôture. Il le ramena vers Nadia en le retenant par les épaules. C’était un gamin d’une dizaine d’étés, dépenaillé et efflanqué comme un chat de gouttière. Il était pieds nus et portait une tunique et un pantalon usés jusqu’à la corde, serrés à la taille par un morceau de ficelle. Le tissu élimé laissait deviner son maigre butin : quelques gâteaux que l’enfant avait cachés contre sa poitrine.
— C’est tout ce que tu as volé ? De la nourriture ? s’enquit Philippos.
Le petit vagabond leva vers lui son visage aux traits émaciés, auréolé d’une chevelure brune. Il avait une expression timide et hardie à la fois.
— Je n’ai rien fait de mal, déclara-t-il. J’ai juste ramassé les restes dont personne ne voulait. Ce n’est pas du vol, ça !
— Je ne t’accuse de rien, le rassura Philippos. Tu n’as rien pris d’autre ?
— Que des choses à manger, murmura le gamin en avalant sa salive.
— C’est que tu n’as pas eu le temps de bien chercher, hein ? ironisa Nadia. Et d’abord, comment as-tu fait pour pénétrer jusqu’ici ?
L’enfant se mura dans un silence buté.
— Tu n’as rien à craindre, tu pourras emporter ces gâteaux, lui dit Philippos. Tu as sûrement faim… Allons, viens avec moi !
Il entraîna le gamin vers la table, le força à s’asseoir et posa devant lui une belle part de tarte aux myrtilles. Le petit intrus ne se fit pas prier et se mit à la dévorer avidement. Quand il eut fini de manger, Philippos lui demanda son nom.
— Titos. Je suis grec de naissance.
— Je le suis aussi, dit Philippos en souriant. Tout comme toi.
— Tu es un boyard, toi ! répliqua l’enfant en lui jetant un regard méfiant.
« Pour lui, je dois avoir l’air aussi stupide que ces gros pleins de soupe affublés de manteaux de cérémonie », songea Philippos.
Il tira de sa poche son grand mouchoir de soie blanche, l’étala sur la nappe et se mit à y entasser les petits pains au sucre et au miel qui se trouvaient encore sur la table. Puis il souleva le mouchoir par les quatre coins, fit un nœud et posa le paquet sur les genoux du gamin. Celui-ci le dévisagea à nouveau avec méfiance.
— Tu peux partir maintenant si tu veux,
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