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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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n’a commis aucun forfait ! En fait, il s’agit d’une histoire plutôt cocasse.
    — Comme c’est commode, laisser sa femme plaider sa cause ! commenta le droujinnik en foudroyant Klim du regard.
    — Détrompe-toi, je ne laisse à personne le privilège de raconter mes aventures… ni celles de mes amis, rétorqua Klim en ricanant. C’est l’histoire d’une passion contrariée, un récit épique, en vérité !
    Le bossu fit claquer ses lèvres avec un air gourmand.
    — C’est arrivé à la fin de mon quatrième séjour à Byzance, un an après ma rencontre avec Vesnouchka. Sur le chemin du retour, je suis passé par Tmou-Tarakan, ce fief enchanteur que ses suzerains n’échangeraient pas contre Kiev. Je voyageais en compagnie d’un groupe de jeunes garçons avec qui je m’étais lié d’amitié à Saint-Mamas, le faubourg de Tsar-Gorod occupé par la colonie russe de Byzance. C’étaient de beaux gaillards, hardis et malins ! Ils aimaient les vins capiteux et les belles aux yeux langoureux, timides mais friandes de caresses. Tout bossu que je fus, j’oubliais mon corps ingrat quand ils me contaient leurs exploits ! As-tu jamais visité ces contrées situées au bord du Pont, boyard ?
    Le droujinnik secoua la tête en signe de dénégation.
    — Alors, il est difficile d’imaginer cette douceur de vivre !
    Klim avala une lampée d’hydromel et poursuivit son récit. C’était un conteur accompli. À mesure qu’Artem écoutait, il lui semblait contempler les énormes étoiles du Sud qui brillaient au cœur de la nuit, offrir son visage au souffle vivifiant de la brise, sentir le bateau tanguer sous lui. Ce n’était plus l’ami de Klim, mais lui-même qui descendait à terre pour guider son cheval dans un dédale de rues plongées dans le sommeil. L’instant d’après, il savourait l’excitation de l’attente, caché dans un jardin en fleurs, respirant les senteurs mêlées des magnolias, du cédrat et de la vanille.
    — De même qu’on ne saurait confondre la caresse du soleil avec la brûlure des flammes, de même on ne peut comparer une douce affection à la passion dévorante que vivait mon ami ! pontifia Klim. Enfermée dans sa cage dorée, la belle guettait les moments de bonheur volés à un mari jaloux…
    Et Artem s’imaginait lui-même dans un palais enveloppé d’obscurité, où une femme l’attendait, sa silhouette voluptueuse drapée de tissus chatoyants. Elle le conduisait le long d’un couloir embaumé d’essences précieuses vers le grand lit tendu de brocart. Il étreignait son corps parfumé, et il lui semblait que les ténèbres mêmes étaient imprégnées de la fumée des aromates. Et soudain, l’éclat des torches, le cliquetis des armes, les cris des poursuivants… Quelle folle chevauchée à travers la ville endormie ! Le fuyard se laisse emporter par son cheval, penché sur sa crinière flottante, écoutant le claquement sonore de ses sabots. Enfin, le voilà à l’abri, réfugié dans un petit jardin. Il perçoit le ruissellement d’une fontaine dans l’ombre des cyprès. Et il contemple la déesse de marbre qui se découpe sur le ciel rosi par l’aube. Comme elle ressemble à celle qu’il aime !
    La voix de Klim s’éteignit. Ses petits yeux noirs pétillaient de gaieté. Le droujinnik se secoua pour se libérer du charme du récit.
    — Serait-ce l’amante de ton ami qui t’a offert cette potion, le Sang d’Aphrodite ? s’enquit-il d’un ton ironique.
    — La recette, boyard, seulement la recette ! Disons que ce dernier l’a emportée en guise de souvenir.
    — Je vois : avant de s’enfuir, il a eu le temps de fouiller la chambre !
    — Tout juste ! Pendant que l’époux trompé explorait les moindres recoins de son palais, l’amant avait trouvé refuge dans ses appartements. Il lui fallait un déguisement ; il inspecta donc le contenu de quelques coffres. Or le mari était le parfumeur attitré de la Cour… Bref, le malheureux jouvenceau emporta la formule et dut se consoler avec la modique somme qu’il réussit à tirer de sa vente. C’est moi qui la lui achetai, car j’étais la seule personne qui n’allait pas courir le dénoncer aux autorités.
    — Comment donc ! Puisque c’est toi qui l’avais informé et encouragé ! Voilà qui en fait un vol prémédité. Et si le conseil de ta guilde venait à l’apprendre ? Vous êtes liés par un secret bien dangereux !
    — De grâce, boyard, trêve de

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