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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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même instant, le bossu leva les yeux et leurs regards se croisèrent. Le visage de Klim se décomposa, il parut décontenancé et honteux. Il détourna rapidement la tête. Trop tard ! Désormais, il ne saurait plus nier l’évidence : il connaissait parfaitement le Sang d’Aphrodite, et il l’avait bien reconnu en donnant le dernier baiser à Olga.
    Le droujinnik s’attendait à voir le couple se joindre à la procession qui partait vers le cimetière. Mais l’apothicaire et son épouse restèrent à l’écart, et Artem comprit qu’ils l’attendaient. Ils s’inclinèrent devant lui avec une mine fort embarrassée. Il les salua avec froideur, mais accepta de se rendre chez eux sous prétexte de boire une coupe d’hydromel. Ils marchèrent quelque temps en silence, puis Klim exhala un soupir et déclara :
    — À propos de ce parfum, je n’avais point l’intention de t’induire en erreur, boyard ! En vérité, je n’étais certain de rien. N’ordonne pas de me châtier…
    — Implore la miséricorde du Christ pour qu’Il te pardonne tes faux serments ! coupa Artem. Quant à moi, j’ai quelques questions à te poser, et gare à toi si tu mens !
    Il s’interrompit. S’il voulait en imposer à Klim, songea-t-il, autant jouer le tout pour le tout.
    — Crois-tu que je manque d’informateurs ? reprit-il avec sévérité. Tu fais commerce de cette essence, le Sang d’Aphrodite, soit en boutique, soit dans ton officine, sous le comptoir. Je sais aussi que tu détiens la recette de cet élixir. Tu peux t’en procurer à volonté, n’est-ce pas ? Et tu prétends agir par passion de la science ? Moi, j’évoquerais plutôt l’appât du gain !
    Pour toute réponse, Klim baissa sa grosse tête avec une expression coupable.
    — Ce que j’aimerais comprendre, poursuivit le droujinnik, c’est les raisons de ta réticence. Pourquoi refuses-tu de m’en parler franchement ?
    Ôtant sa chapka, le bossu se gratta le crâne.
    — Inutile, boyard, tu ne me croiras jamais ! Il s’agit d’une histoire tellement extraordinaire…
    Il se tut et jeta un coup d’œil suppliant à sa femme, comme pour l’inciter à le tirer d’embarras. Elle dévisagea Artem d’un air indécis. En rencontrant ses yeux bleu sombre, le droujinnik se troubla. Jusqu’à présent, il avait réussi à maîtriser ses émotions. Il s’était persuadé qu’il pouvait rester imperturbable devant ce visage charmant aux pommettes hautes parsemées de taches de rousseur et aux lèvres pulpeuses si promptes à sourire. Mais cette fois, il eut la sensation d’être submergé par un flot de sentiments tumultueux et il craignit de se trahir comme un gamin de seize étés.
    — Je t’écoute, dame Vesna, puisque le sieur Klim a avalé sa langue ! lança-t-il d’un ton bourru.
    La jeune femme s’éclaircit la voix avant d’expliquer :
    — Tu as raison, boyard, mon époux possède la formule de cet élixir. Il l’a achetée à Byzance, avec le droit d’en faire commerce partout hors des limites de l’Empire. Mais les Grecs l’ont trompé : la formule était inexacte. Il a fini par l’obtenir plus tard, lors de son voyage à Tmou-Tarakan, cette ville richissime située au bord du Pont-Euxin. Le fait est qu’il s’est procuré cette recette d’une manière… pas très conventionnelle.
    Vesna écarta les bras et soupira, comme pour dire qu’elle n’était pas responsable des agissements de son filou de mari. Artem ne put s’empêcher de sourire dans sa moustache.
    — L’important, souligna-t-elle, c’est que mon époux possédait déjà la charte par laquelle sa guilde l’autorisait à commercer sur toutes les terres russes.
    Elle se tut, car ils venaient d’arriver devant leur demeure. Vesna précéda les deux hommes pour aller donner des ordres aux serviteurs. Klim conduisit leur hôte dans la vaste pièce qui servait à la fois de grand-salle et de bibliothèque. Quelques instants plus tard, ils étaient installés autour d’une table basse qui supportait une cruche d’hydromel, des coupes en bois et un plateau chargé de gâteaux au miel et au fromage blanc. Artem trempa ses lèvres dans sa boisson puis se tourna vers Klim.
    — J’aimerais que tu m’éclaircisses sur cette manière peu conventionnelle dont tu as acquis la recette. Si on appelait un chat un chat, on parlerait de vol, n’est-ce pas ?
    Le bossu leva les bras au ciel, tandis que Vesna se hâtait de protester :
    — Mon mari

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