Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
Vom Netzwerk:
et écœurante du sang. Philippos le huma avec un dégoût mêlé de frayeur. Il ne le connaissait que trop bien. Il avait la sensation de respirer la mortelle douceur d’une fleur vénéneuse qui enivre et qui tue.
    1 - Descendants d’Agar : musulmans.

CHAPITRE XII
    Quelques heures plus tôt, alors que le conciliabule entre Artem et ses collaborateurs venait de se terminer, le droujinnik était loin d’imaginer la dure épreuve que cette journée réserverait à son fils. Il se doutait bien que Philippos irait rejoindre Nadia dès que possible, mais pour une fois il ne s’en souciait pas. Il avait pour sa part un devoir à accomplir et une affaire à régler, et il préférait s’en occuper seul.
    Ce jour-là, le boyard Edrik devait présider la cérémonie des adieux à sa défunte fille. Le matin, les cloches de la cathédrale du Saint-Sauveur avaient sonné pour la trépassée, et l’évêque de Tchernigov en personne avait célébré l’office funèbre. Avant de fermer la bière, on l’avait sortie de l’église et posée sur une petite estrade drapée de tissu rouge et or. Olga était vêtue d’une robe de satin blanc, les cheveux ornés d’une couronne de fleurs, le cou voilé d’un nuage de gaze dont les plis dissimulaient habilement la blessure. Les amis et les proches s’apprêtaient à défiler pour déposer le baiser traditionnel sur la bouche de la morte. Edrik avait confié à Artem qu’il espérait que l’assassin serait là et qu’il s’approcherait de la bière, car le corps d’Olga se mettrait alors à saigner, démasquant ainsi le scélérat. Artem, lui, n’ayant jamais assisté à un tel miracle, était plus que sceptique au sujet de cette croyance populaire. Lui-même avait l’intention d’assister à la cérémonie dans l’espoir de voir se confirmer l’idée qu’il avait conçue lors de sa visite chez l’apothicaire.
    Il promena son regard autour de lui : Klim et Vesna n’étaient pas encore arrivés. Il se joignit alors à la file des gens qui avançaient pas à pas et s’approcha du cercueil. Il salua Edrik et le prince qui se tenaient au bord de l’estrade, puis contempla la jeune morte avec compassion. Selon le rituel ancestral, quatre bougies étaient allumées à la tête, aux pieds et des deux côtés du corps, de manière à former une croix ; la cinquième avait été placée entre les mains d’Olga jointes sur sa poitrine recouverte d’une serviette. Celle-ci était destinée à essuyer le visage de la défunte le jour du Jugement dernier, tandis que ses bottines neuves devaient lui faciliter le cheminement dans l’autre monde. Artem se pencha vers Olga pour lui effleurer les lèvres. Il sentit l’odeur des cierges et celle de l’encens qu’on avait brûlé pendant l’office. Simultanément, le parfum insidieux et entêtant qu’il reconnut aussitôt lui chatouilla l’odorat. Il refusait de se dissiper, comme préservé par un charme maléfique ! Artem fit un signe de croix et s’empressa de reculer.
    Il s’arrêta à l’écart du cortège dirigé par les popes qui devait se rendre au cimetière et continua de réfléchir. Si son intuition était exacte, c’est bien du Sang d’Aphrodite que se servait l’assassin. Pourtant, cette essence était indissociable de la notion de plaisir et d’amour. Était-ce le mythe tragique d’Adonis qui inspirait cet homme aux désirs dénaturés ? Le sang jouait-il un rôle précis dans la mise en scène de chaque meurtre ? Ou bien étaient-ce les vertus aphrodisiaques de l’élixir qui lui étaient devenues indispensables ?
    L’arrivée de l’apothicaire le tira de ses pensées. Klim portait un luxueux caftan violet orné d’améthystes et une haute chapka de vison. Son épouse était vêtue d’une robe bleu foncé rehaussée de perles de rivière et coiffée d’une toque assortie. Le couple emboîta le pas aux derniers courtisans qui s’apprêtaient à donner le baiser d’adieu à la défunte. Artem se rapprocha de la bière à l’abri du cortège funèbre, sans que Klim ni Vesna l’aient aperçu. Le beau visage de la jeune femme était mélancolique et serein. Quant à son époux, avec son front proéminent creusé de rides, ses grosses lèvres serrées dans un pli amer et son expression bouleversée, sa physionomie évoquait un véritable masque tragique. L’apothicaire se pencha vers Olga, et Artem retint son souffle, guettant sa réaction. Il le vit tressaillir et se reculer. Au

Weitere Kostenlose Bücher