Le sang de grâce
à l’été, croyons-le. Nous ne
saurons jamais s’il s’agissait du mois de juillet, d’août ou de septembre, mais
en tout cas, rien à voir avec l’an neuf, d’autant qu’il est né en juin et donc
pas au début de la pénitence de Noël. Ma conclusion converge avec celle de
Clément. L’épitaphe sert d’autres buts : « Il vint à sexte de l’Avent
et s’en retourna à none de l’an neuf. »
Clément approuva d’un hochement de
tête. Il compléta :
— Ce qui m’étonne, ce sont
justement ces minuties d’horaires. Il n’est guère que dans les familles
royales, et encore, que l’on sait avec tant de précision quand naissent les
héritiers. On ignore parfois quel jour, voire quel mois on a vu le jour.
Leone renchérit :
— Je crois en effet que si code
il y a, c’est de ce côté qu’il faut chercher. Que proposes-tu afin de
l’élucider ?
— Un jeu de devinettes,
chevalier.
— Devinettes ?
En préambule, Clément résuma sa
conviction : si l’on admettait que cette phrase était bien un chiffre
secret, elle faisait référence à un événement survenant chaque année à l’époque
précisée, puisque son concepteur ne pouvait pas savoir quand elle serait
correctement interprétée. La question qu’il posa ensuite à ses deux compagnons
était d’une rare simplicité, du moins dans sa formulation : qu’est-ce qui
revient chaque année à sexte de l’Avent et s’en retourne à none de l’an
neuf ? Il ne pouvait justement s’agir de l’Avent, lequel se terminait le
jour de la Noël. Un laborieux silence s’abattit dans le bureau. Annelette
procédait par élimination, énumérant ce qui ne pouvait se produire durant ce
laps de temps :
— Nous avons donc toutes les
fêtes religieuses, hormis précisément la naissance de notre Sauveur. S’ajoute
ce qui vient de la terre, j’entends les récoltes, puisque nous sommes au plein
de l’hiver… ce qui tient à la chaleur et aux beaux jours, pour la même raison…
Leone tenta de mettre un terme à cet
interminable inventaire :
— Ma sœur, peut-être une liste
inverse – ce qui peut survenir, donc – nous aiderait-elle davantage.
— Vous avez raison, concéda la
grande femme. Toutefois, elle est plus ardue. Au demeurant, il fallait cet
inventaire pour que je me rende compte à quel point il se passe peu de choses
en cette époque hivernale !
— Je crois que vous tenez un
début de la réponse, ma sœur, intervint alors Clément. Une telle régularité et
une telle permanence, puisque l’épitaphe fut conçue il y a au moins un siècle,
suggère un événement lié à la nature. Les intempéries sont trop fluctuantes
pour convenir et les marées trop loin de nous. De surcroît, je n’ai jamais
entendu dire que l’une d’elles puisse durer plus d’un mois. Quant aux éclipses,
elles regroupent les deux inconvénients. En revanche, le soleil et la lune
reviennent tous les jours et toutes les nuits.
— Certes, argumenta Leone, mais
l’année durant. Or, il nous faut un événement de relativement brève constance.
Clément, plongé dans sa réflexion,
approuva d’un clignement d’yeux et poursuivit :
— Il ne peut s’agir des
différentes phases lunaires, leur périodicité ne convient pas. (Soudain, il
sauta sur place et débita à toute vitesse :) J’y suis ! La théorie de
Vallombroso. La course de la terre autour du soleil. C’est l’époque où nous
nous trouvons le plus éloigné de l’astre, d’où la rigueur climatique. La
lumière et les ombres changent ! Les meurtrières ! Leur hauteur et
leur horizontalité avaient certes pour objet de les rendre presque indécelables
de l’extérieur. Toutefois, je mettrais ma main au feu que leur fonction était
double : laisser filtrer la lumière selon un certain angle et donc
produire des halos lumineux et des ombres particulières !
— Doux Jésus qu’il est
intelligent ! s’extasia Annelette.
— Et le mot est faible pour
décrire mon émerveillement devant tes capacités, renchérit Leone. Il va donc
nous falloir patienter toute la nuit jusqu’à none de demain puisque nous sommes
bien proches de l’an neuf.
— Vigiles ne tardera plus,
annonça Annelette. Installez-vous en la bibliothèque. Je vais me faufiler
jusque dans les cuisines avant le lever de notre bonne mais sourcilleuse
Elisaba Ferron, notre organisatrice des cuisines et des repas. J’y prélèverai
quelques vivres. Je vous enfermerai
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