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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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joyeuse Yolande qui ne vivait que pour son
rêve : que son petit Thibaut se portât bien et qu’il eût belle et douce
vie. Qui avait pu lui mentir durant deux années, lui offrant de réjouissantes
nouvelles du petit garçon mort ? Pourquoi ?
    Annelette constitua ensuite un
branlant monticule de graines de ricin indifférenciées : elle, Éleusie,
madame de Souarcy, l’émissaire du pape, le seigle contaminé d’ergot découvert
par Adélaïde dans l’herbarium peu avant sa mort. Elle les considéra durant un
long moment, détruisant d’une pichenette puis reformant leur minuscule
pyramide. Non, elle oubliait au moins trois graines : Emma de Pathus, la
maîtresse des enfants, entraperçue en grande conversation avec le monstre
Florin. Thibaude de Gartempe, car qui mieux que la sœur hôtelière aurait pu
mettre le feu à sa propre hostellerie afin de détourner l’attention ? Enfin,
cet éclat de verre qui s’était fiché dans sa chaussure lorsqu’elle se tenait au
chevet de Jeanne. Le verre était très rare et sa présence dans le dortoir pour
le moins déroutante.
    Elle caressa du bout de l’index la
graine figurant Yolande. Étrangement, la mort de la sœur grainetière avait
affecté Annelette bien davantage qu’elle ne l’aurait supposé. La vivacité de la
jeune femme rondelette lui manquait. Pourtant, jadis Annelette avait vu dans sa
permanente bonne humeur l’indice certain d’un manque d’esprit. Surtout, elle
s’en voulait d’avoir tenté de contraindre Yolande à admettre la mort de son
fils pour lui extorquer l’identité de celle qui lui portait de si
attendrissantes nouvelles de l’enfant. Le cadavre de Yolande et les marques
rouge vif qui marbraient sa peau d’une pâleur de sépulcre, évoquant des
griffures. Annelette avait d’abord songé à une suffocation mécanique :
deux mains ou une bande d’étoffe se resserrant sur une gorge. Elle avait
méticuleusement inspecté les traces pour conclure qu’il ne s’agissait pas d’une
strangulation, d’autant que l’hypothèse d’une femme assez robuste pour
étrangler une proie en pleine forme était improbable. S’ajoutait à cela le fait
que Yolande se fut débattue, alertant ses compagnes de dortoir. Yolande avait
été victime, elle aussi, d’un enherbement. Des détails concouraient à fortifier
la certitude de l’apothicaire : la zone inflammée était étendue, remontant
de la base du cou jusqu’à la base du nez, en d’autres termes, très dissemblable
de celle qu’eut pu abandonner un lien ou une bande de tissu utilisé comme
garrot.
    Réfléchir. Yolande de Fleury n’avait
pas trouvé la force de se lever, d’appeler à l’aide, preuve qu’un
engourdissement la clouait dans son lit, peut-être même une paralysie. Elle
était morte d’asphyxie, à moins que son cœur n’eût lâché. L’aconit, comme
Adélaide ? Réfléchir. Lorsque Adèle de Vigneux, sœur gardienne des grains,
avait découvert le corps sans vie de Yolande, il avait perdu sa chaleur, preuve
qu’elle était morte depuis des heures, même en prenant en compte le froid
glaçant qui régnait dans le dortoir. Elle gisait, bouche grande ouverte, une de
ses jambes pendant hors du lit, l’autre repliée sous ses fesses, ses deux bras
plaqués au-dessus de sa couverture en dépit de la température inclémente. Un
intense accès de fièvre l’avait-il poussée à chercher quelque fraîcheur ?
Une telle hypothèse n’était pas aberrante. Toutefois, elle n’expliquait pas la
position de ses membres inférieurs, et encore moins la large langue de peau
rougeâtre qui remontait de la base du cou vers sa bouche. La rigidité des
membres de la défunte troublait Annelette. Il ne pouvait s’agir de
l’installation de la rigor mortis, laquelle débute trois à quatre heures après le trépas par les petits
muscles du cou pour être totale une douzaine d’heures plus tard. Or, si l’on se
fiait au dernier office auquel Yolande avait assisté, le décès ne remontait à
guère plus de quatre ou cinq heures. Pourtant, elle était froide et roide.
Assez peu de poisons connus agissaient avec cette rapidité. Annelette Beaupré
fouilla ses souvenirs. En vain. Quelque chose lui échappait, un détail en
rapport avec un animal. Elle l’aurait juré. En revanche, une chose était
certaine : la meurtrière ne s’était pas procuré ce poison-là dans son
armoire puisqu’elle ne parvenait pas à l’identifier.
    Un animal. Un gros

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