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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sombre ironie.
    — Vous souvenez-vous, lorsque
vous me posiez des questions auxquelles je ne possédais nulle réponse. Vous
piaffiez en me serinant : « Tout problème possède solution. Il suffit
de la trouver. »
    — Où veux-tu en venir ?
    — Le mieux ne serait-il pas de
vous ouvrir de vos incertitudes à « madame » ? Pour ce que j’en
ai compris, elle n’est pas femme à dérobades ou sottes coquetteries.
    — Et me ridiculiser
gravement ? J’ignore même si elle me trouve quelques… attraits en dehors
de mon nom et de ma fortune. Et vois-tu, dans son cas, ceux-là ne me suffisent
pas… d’autant que je doute qu’elle soit femme à s’en contenter.
    — Ce serait un excellent moyen
de le vérifier. Vous pourriez également prendre le taureau par les cornes.
    — Avec elle ? s’offusqua
le comte.
    — Certes pas, monseigneur.
Allons, que vous ai-je enseigné ? On n’aborde jamais une dame à la manière
d’un taureau, pouffa Ronan. Elles sont beaucoup trop redoutables. J’avais en
tête ce chevalier de Leone. Vous pourriez vous en rapprocher, obtenir une
explication, peut-être. J’ai ouï dire que ces moines-soldats n’étaient pas
d’accès aisé, mais votre nom, le prestige de votre réputation devraient
l’encourager à vous prêter oreille attentive et vous éviter une cuisante
rebuffade.
    C’était si évident qu’Artus
dévisagea Ronan comme s’il découvrait sa présence dans la pièce en rotonde.
Lorsqu’il reprit la parole, sa voix avait retrouvé ses inflexions des bons
jours :
    — Sais-tu, mon précieux Ronan,
que tu viens de m’ôter un poids insoutenable de la poitrine. Ah fichtre !
Bien sûr que je vais rejoindre ce chevalier… j’espère qu’il n’est pas reparti
pour quelque lointain pays. Fais quérir Monge de Brineux, je te prie. Ses
longues oreilles traînent un peu partout. Peut-être peut-il m’aider.
    — Et
« madame » ?
    L’assurance du comte vacilla
aussitôt :
    — Eh bien… Ta suggestion est
fort judicieuse. Cela étant… Il me faut davantage peser le pour et le contre.
C’est que… je me sens parfaitement capable de prendre un taureau, même furieux,
par les cornes. En revanche, aborder une dame de cette importance m’est moins
commode. Vois-tu Ronan, poursuivit-il, un rien docte, les dames sont fort
complexes, pour ne pas dire inattendues. Enfin… Nous autres sommes plus…
simples, plus approchables en quelque sorte.
    Un sourire illumina le visage ridé
qui avait veillé ses nuits de fièvre des années auparavant.
    — Du moins, s’agit-il là de
conviction d’homme. Est-ce parce qu’elles n’attendent pas les mêmes choses
qu’on les juge inattendues… pour ne pas dire incohérentes ?
    — Ah ça ! Me claquerais-tu
le bec ?
    — Je n’oserais, monseigneur,
repartit le vieux serviteur d’un ton qui prouvait assez que, en effet, il
venait de marquer un point. Je m’en vais, si vous le permettez, quérir messire
de Brineux.
    — Va.
    Sitôt après le départ du vieil homme
cher à son cœur, Artus accepta l’évidence, celle-là même qu’il évitait depuis
deux semaines. Il avait préféré s’inquiéter, s’énerver, ressasser, tempêter.
C’était compter sans Ronan qui avait toujours su le manier avec un art
consommé, l’amenant avec patience précisément où il ne voulait pas aller :
à table, dans son bain, au lit, à la chapelle, devant son écritoire d’étude et
maintenant, à l’âge adulte, dans sa tête.
    Il soupira d’agacement. Certes, il
lui fallait obtenir des éclaircissements de la part de cet insaisissable hospitalier.
Se pouvait-il qu’un soldat de Dieu ait conçu quelque faiblesse de sentiment
pour une femme ? Pas n’importe laquelle, il est vrai. Artus était assez
honnête pour admettre que la jalousie le disputait en lui à l’inquiétude.
« Madame » lui avait volé le cœur et l’esprit, si prestement, si
totalement qu’il s’en était à peine aperçu. Alors pourquoi pas ceux d’un
autre ? Quelle autre raison pourrait-il y avoir à la précipitation de ce
chevalier qui n’avait pas craint d’assassiner un homme de Dieu, de l’Inquisition,
du pape, même dévoyé, pour la sauver ?
    Il arpenta rageusement la pièce de
taille modeste, tournant comme un lion en cage, faisant trembler les petits
carreaux irréguliers des fenêtres sous sa charge furieuse.
    Clément lui avait assuré que sa dame
ignorait l’existence du chevalier avant son étrange venue

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