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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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en la maison de
l’Inquisition.
    Morbleu ! marmonna-t-il entre
ses dents. Cette histoire n’avait aucun sens. La réflexion suivante le figea.
Comme tout ce qui touchait à madame de Souarcy. Que se tramait-il donc autour
d’elle ?
    Rencontrer le chevalier de Leone ne
l’aiderait pas, du moins pas pour l’instant. Il n’existait d’autre alternative
que celle habilement suggérée par Ronan. Lui rendre visite. À elle.
L’impatience se teinta d’appréhension. Et si elle l’éconduisait ? Si elle
se dérobait ? S’il sentait qu’elle ne partageait pas ses sentiments ?
Oui, mais… et si l’inverse ?
    Un prétexte. Il aurait ainsi l’air
moins benêt. Prendre des nouvelles de sa santé, s’enquérir de celle du petit
Clément dont, en vérité, la vitalité manquait au château. Au demeurant, messire
Joseph s’ennuyait du garçon et de ses intarissables questions.
    Devait-il la faire prévenir de sa
venue ? Il se souvint de la colère d’Agnès, de ses paroles cinglantes,
lorsqu’il l’avait surprise, vêtue de braies de paysan, récoltant le miel de ses
hostelleries à abeilles. Les muscles longs et fermes de ses cuisses sculptés
par la grossière étoffe comme elle montait Ogier. Fichtre… Elle ne lui avait
pas quitté une heure la tête depuis cette première rencontre.
    Alors, se faire annoncer ?
C’eût été sans conteste plus courtois, bien que sa position de suzerain l’en
dispensât. Cependant, il comptait sur l’effet de surprise pour avoir le cœur
net au plus vite.
     

Château de Larnay, Perche,
décembre 1304
    Le Jules torturait son bonnet fourré
de lapin entre ses mains. Il avait tenté de conserver le maximum d’espace entre
lui et son inquiétant maître mais avait dû s’avancer devant l’exigence de
l’autre qui bafouillait d’une voix alourdie d’ivrognerie :
    — Approche ! Approche
donc. Alors, mon coquin de contremaître, que m’annonces-tu ?
    Contremaître, le serf ne l’était que
par improvisation et ce titre ne lui épargnait ni les coups ni les privations
de bouche.
    — Approche ! hurla Eudes
de Larnay en abattant le poing sur la table. Réponds à l’instant ou je te fais
fouetter par tes compagnons de misère qui ne seront que trop contents de se
venger de ta récente arrogance à leur égard. Tous des faquins qui s’emploient à
me démunir, à paresser !
    — Non, mon bon maître, non,
balbutia l’homme affolé.
    — Car si tu ne me voles, aidé
par tes semblables, si vous ne somnolez pas comme des loches grises, où donc
est mon minerai de la semaine ? Pas dans ce ridicule sac que tu as
rapporté plus tôt, j’espère ?
    L’autre se contenta de hocher la
tête.
    — Si ? Te moques-tu ?
Il n’y en a pas trente marcs* ! Qu’avez-vous fait du reste ? Vous
l’avez vendu… (Son regard s’éclaira d’une lueur mauvaise.) Ah, je vois… vous me
détroussez comme en plein bois afin de me payer ensuite votre chevage et votre
taille [18] ou pis, votre affranchissement. Elle serait bien belle,
celle-là ! Quoi, je me ferais plumer comme une dinde pour vous permettre
d’acheter votre liberté ? Avoue ou je t’étripe sur le champ !
    — Non. C’est méprise, messire.
Ce sac, c’est tout c’qu’on a pu arracher aux entrailles de la mine, sur mon
âme. Vot’mine est… c’qu’elle est…
    Le reste mourut dans un pénible
chuintement. Le Jules grelottait de crainte. Les fureurs de son seigneur
avaient déjà fait quelques victimes. On murmurait qu’il avait aidé à passer de
vie à trépas – en lui serrant un peu trop la gorge – cette catin de
Mabile qui toisait les autres domestiques. La Mabile était revenue au château
après avoir été placée quelque temps chez la demi-sœur de son maître, madame de
Souarcy. L’était bien gironde, mais mauvaise comme la gale et la colique
réunies, l’appétissante gueuse.
    — Ma mine ? Eh bien quoi,
ma mine ? feula Eudes.
    — L’est épuisée… sans retour.
C’pas d’ma faute, mon maître. On a creusé, creusé à s’en dépiauter les doigts. Y’a
plus rien. Plus d’fer. J’vous jure, sur les cendres de mon fils.
    Le baron ordinaire [19] de Larnay se leva d’un bond, renversant le banc sur lequel il était
assis. Le Jules crut sa dernière heure arrivée et ravala un sanglot en se
signant. Eudes rugit :
    — Hors de ma vue ! À
l’instant ! Hors de ma vue avant que je ne change d’avis !
    Le contremaître ne se le fit pas
répéter et déguerpit

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