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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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en ce moment.
    Les jolis sourcils d’Aude se
haussèrent en signe d’interrogation. Son vis-à-vis poursuivit :
    — La mort suspecte de cet
inquisiteur qui devait me… vous servir. Je n’accorde aucune foi à ces sornettes
de mauvaise rencontre. La grâce sans réserve accordée à madame de Souarcy, au
nom de Dieu. Cette verrue de sœur apothicaire qui se révèle bien plus
dangereuse que sa fatuité ne me l’avait fait redouter. Le viol suivi d’étranglement
de cette servante, Mabile, qui appartenait à la maison d’Eudes de Larnay. Elle
m’avait été fort utile, menant son maître où je le souhaitais, jusqu’à feu
Nicolas Florin. Elle m’avait également procuré quelques éclats de verre
provenant de l’antichambre de madame de Souarcy. Pilé et ajouté dans une
boulette de viande ou une tranche de pain, il devient une arme sans
complaisance. Nous faisions ainsi d’une pierre deux coups puisque nous pouvions
ajouter à la culpabilité de la dame de Souarcy, en cas de besoin. Voyez-vous,
là encore, l’hypothèse d’un vagabond meurtrier ne me convainc pas. Mabile
n’était pas fille à se laisser berner. À tout le moins, elle se serait vivement
débattue. Un autre détail me trouble. Lorsqu’elle fut découverte sans vie à
l’orée du bois, les hommes du bailli remarquèrent qu’elle avait enfilé
plusieurs couches de vêtements disparates, comme si elle s’apprêtait pour un
long périple. Quelque chose se trame qui m’inquiète, madame.
    Aude la considéra quelques instants
en silence. Honorius avait fait preuve d’un étonnant manque de discernement en
recrutant cette femme de main. Ainsi qu’elle le lui avait dit lors de leur
première rencontre au Vatican, c’était folie d’accorder sa confiance à la peur
et à l’envie, qui sont caractéristiques du pleutre. Elle répéta pourtant d’un
ton amène :
    — Il vous faut sortir au plus
vite ces manuscrits et me les remettre afin que je les achemine auprès de notre
ami.
    Une bouffée d’aigreur secoua l’autre
qui rétorqua d’un ton sec :
    — Que croyez-vous ? Qu’il
suffise de l’ordonner ? Je suis la première lésée par cette inhabituelle
clôture stricte de l’abbaye. J’aurais dû écouter mon intuition et déplacer en
lieu sûr l’argent que j’ai amassé grâce à mon labeur ingrat.
    — Ingrat mais fort lucratif.
    — Pensez-vous qu’il soit aisé
de tuer ?
    Un air de sincère étonnement sur le
visage, Aude déclara :
    — Seul le premier cadavre
compte. Tous les autres lui ressemblent.
    — Vous êtes…, souffla l’autre
d’écœurement.
    — Un monstre ? Peut-être.
(Soudain attristée, madame de Neyrat ajouta :) Cela étant, il en naît peu.
La plupart des monstres que j’ai croisés l’étaient devenus.
    Elle se reprit bien vite et
pouffa :
    — Ah, la tragédie ne me sied
pas, d’autant qu’elle affaisse les reliefs du visage et creuse des rides.
J’avoue : dans mon cas la transformation s’opéra bien vite et sans trop de
douleurs. Pour en revenir à madame de Beaufort, elle nous… lasse.
    Elle vit la femme se tendre et
s’enquit avec gentillesse :
    — Vous blêmissez.
    — Il s’agit d’une abbesse.
    — Eh quoi ! Cette
lassitude que j’évoque ne gâche-t-elle pas les jours et les repos d’un
archevêque bientôt pape ?
    — C’est que… cette sorcière
d’apothicaire la veille comme le lait sur le feu.
    — Bah, nous avons tous nos
petits tracas. Cependant, j’ai ici de quoi alléger les vôtres, précisa-t-elle
en désignant la bourse de velours noisette posée sur la frêle table de son
cabinet.
    L’autre s’en saisit avec rapacité.
Aude lança :
    — Un gracieux conseil d’amie
qui ne vous connaît pas, madame : méritez-la bien.
    La femme perçut la menace sous le
ton guilleret et promit :
    — Je m’y emploierai.
    — Faites, et faites vite et au
mieux. Il nous faudra ensuite discuter – en cordialité, je l’espère –
d’une autre connaissance bien tenace, madame Agnès. Comment est cette dame dont
on m’a vanté l’élégante allure ?
    — Fort belle et fine, si c’est
ce que vous souhaitez apprendre.
    — En effet. Le portrait est
cependant succinct. Faites un effort, je meurs d’envie d’en savoir davantage.
Décrivez-la moi.
    — Elle est assez grande, plus
que moi, mince sans faiblesse. Ses cheveux sont clairs, plus cuivrés que les
vôtres. Son regard est étonnant, gris bleu, quant à sa peau, elle est fort

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